Plusieurs paramètres doivent être pris en compte dans l’établissement d’un programme d’entraînement. Les paramètres de l’intensité, du volume, de la densité et de la fréquence sont les 4 paramètres de base que l’on doit respecter, car la manipulation de ces variables amène des changements dans les adaptations physiologiques.
Il existe une relation particulière qui lie le volume et l’intensité. Il s’agit d’une relation inverse à savoir que lorsque le volume d’un exercice augmente, son intensité diminue. Par exemple, pour un exercice x, plus un participant effectue de répétitions disons de l’ordre de 12-15, plus l’intensité selon le % du 1RM diminue (75-70% dans ce cas-ci). Parallèlement, dans le cas des filières énergétiques, plus l’intensité de l’activité réalisé est grande (sprint de 100 mètres par exemple), moins le participant sera capable de maintenir cet effort sur une longue période de temps (10 secondes dans le cas du sprint vs des heures pour un marathon). Nous nous limiterons toutefois aux exercices réalisés en salle de musculation dans cet article.
Pour que l’entraînement soit efficace, il importe donc de savoir agencer le volume et l’intensité d’un exercice de manière adéquate afin de stimuler les adaptations désirées. Une manière de faire est d’établir la plus grande charge que l’on peut soulever pour un exercice. Dans le cas du développé couché, il s’agirait d’amener la barre à la poitrine, renverse le mouvement et éloigner la barre jusqu’à l’extension complète des bras avec une charge que l’on ne peut soulever qu’une seule fois. Cette charge est donc notre 1RM (Répétition Maximale) établie. Il est par la suite possible de prendre ce 1RM et établir les charges à soulever pour différents pourcentages du 1RM; ces pourcentages représentant un certain nombre de répétitions qu’il est possible de réaliser avec la dite charge.
Il faut toutefois préciser que ce moyen de déterminer l’intensité des exercices de musculation comporte quelques défauts. En premier lieu, notre 1RM peut dépendre de notre état lorsque nous l’avons testé. Ce 1RM est donc susceptible aux fluctuations quotidiennes qui sont normales dans l’entraînement. Le profil d’un athlète, que celui-ci soit un athlète de puissance ou d’endurance, peut également influencer sur le nombre de répétitions qu’un individu peut réaliser à un certain pourcentage du 1RM. Par exemple, un athlète dont l’entraînement est composé majoritairement de charges ne lui permettant de réaliser que de courtes séries (1-5 répétitions) pourrait éprouver énormément de difficulté à compléter des séries plus longues même si l’intensité est plus faible. L’adaptation de l’organisme reste spécifique à l’entraînement qu’il subit.
Pour palier à cette lacune des pourcentages, certains auteurs suggèrent d’utiliser des intervalles de répétitions. Par exemple, on peut traditionnellement diviser le continuum des répétitions de la manière suivante:
Force maximale = 1-5 répétitions (exercices à faible vélocité)
Puissance = 1-5 répétitions (exercices à haute vélocité)
Hypertrophie fonctionnelle = 6-8 répétitions
Hypertrophie structurale = 9-12 répétitions
Endurance musculaire = 13-20+ répétitions
Selon les objectifs recherchés, le préparateur physique peut demander aux athlètes de réaliser des séries avec des charges leur permettant de compléter entre 6-8 répétitions par exemple. Selon l’état de l’athlète au moment de l’entraînement, ce dernier choisira une charge lui permettant de rester dans cet intervalle de force. Réaliser moins de 6 répétitions indiquerait que la charge est trop lourde et réaliser plus de 8 répétitions, au contraire, indiquerait que cette charge est trop légère.
Un autre moyen qui peut être utilisé afin de déterminer l’intensité des exercices de musculation consiste à se référer à une échelle de perception de l’effort. L’échelle de perception de l’effort, telle qu’initialement développée par Borg, est davantage utilisée dans les activités d’endurance où le participant n’a pas accès à un cardiofréquencemètre afin de quantifier l’intensité de son effort. Néanmoins, l’auteur Mike Tuchscherer a proposé une échelle de perception de l’effort adaptée aux exercices de musculation dans le contexte de l’entraînement en dynamophilie (Powerlifting). L’échelle propose notamment de prendre en considération la vitesse de la barre et le nombre de répétitions en banque à la fin d’une série d’un exercice.
Personnellement, j’aime bien utiliser cette échelle en lien avec le type de phase d’entraînement (accumulation ou intensification) dans lequel ils se trouvent. Par exemple, dans une phase d’accumulation où l’accent est mis sur le volume (hypertrophie, endurance musculaire, capacité de travail), ceux-ci voient souvent la notation 8 RPE suivant certains exercices en particulier comme le squat, le développé couché et le soulevé de terre. Dans le cas d’une phase d’intensification visant le développement de la force maximale, j’indiquerais un 9 RPE à la suite de ces mêmes exercices. Il peut s’agir là d’un moyen d’introduire l’athlète à l’entraînement en auto-régulation.
Un défi consiste toutefois à savoir comment intégrer les trois manières d’intégrer cette mesure de l’intensité dans l’entraînement. Le % du 1RM présente certes des lacunes, mais propose un contrôle plus stricte des charges de la part du préparateur physique. À l’opposé, l’entraînement en auto-régulation permet à l’athlète de s’entraîner par feeling, selon son état du moment. Cette possibilité peut aider certains athlètes dans certaines situations, mais peut aussi permettre à d’autres qui sont moins adeptes de la musculation comme moyen de se préparer à la pratique de leur sport de se la couler douce. L’utilisation d’intervalles de répétitions peut être perçue comme un juste milieu.
Néanmoins, j’aimerais vous proposer un plan pour intégrer les trois moyens de détermination de l’intensité dans une périodisation annuelle d’entraînement. Cette proposition est issue d’un processus de réflexion suite à différents feedbacks reçus de la part d’athlètes que je supervise et de par certains de mes résultats pour mes travaux de maîtrise. L’utilisation de % du 1RM dans les premiers cycles d’entraînement (on parle ici d’établir le 1RM grâce à un test de répétition à la fatigue et débuter le travail à 70% 1RM) a été très éprouvante et certains n’arrivaient pas à compléter les séries de 10-12 répétitions à un certain pourcentage du 1RM, même si j’utilisais un pourcentage qui permettait de réaliser deux répétitions de plus (ex. pour 12 répétitions, je donnais un pourcentage équivalent à la réalisation de 14 répétitions – 72% 1RM pour une charge qui, théoriquement serait de 76%). C’est cette expérience qui m’a mené à me questionner sur l’utilisation périodique des trois méthodes mentionnées précédemment.
Tout d’abord, notre plan annuel d’entraînement sera composé de 3 périodes: préparation, compétition et transition. La période de préparation est subdivisée en phase de préparation générale et spécifique. La période de compétition, quant à elle, est divisée en phase de pré-compétition et en phase de compétition. Pendant la période de préparation, le but premier est de surcharger l’organisme afin de créer des adaptations physiologiques qui prépareront l’athlète à performer dans sa discipline sportive. Il y aura donc une alternance judicieuse des charges afin de créer un gain en fitness. Ces gains seront toutefois accompagnés d’une fatigue musculaire ou nerveuse que l’on devra diminuer ou réduire le plus possible à certains moments clés de notre préparation (de là l’importance d’insérer des semaines de recupération ou de décharge). Pendant cette période, le préparateur physique pourrait utiliser la méthode des pourcentages afin d’avoir un contrôle plus strict sur l’entraînement des athlètes sous sa tutelle. Cela ne veut toutefois pas dire les pousser aux limites du surentraînement et de ne pas écouter les feedbacks des athlètes. L’entraînement pourrait simplement présenter une plus grande «rigidité» dans sa forme.
Lors des semaines de décharge ou en période d’affûtage, il pourrait être intéressant d’utiliser la méthode de Tuchscherer et introduire l’athlète à de l’entraînement en auto-régulation. Le but de ce microcycle étant de diminuer la fatigue accumulée au cours des semaines d’entraînement précédentes, l’utilisation de l’auto-régulation pourrait aider l’athlète à s’entraîner selon ses sensations.
Pendant la saison de compétition, la variable de l’intensité est la clé du maintien des adaptations réalisées tout au long de la période de préparation. On ajoute des séances technico-tactiques ainsi que des matchs à l’entraînement en préparation physique. Le volume total de travail et de stress est donc augmenté considérablement. L’utilisation des intervalles de répétitions peut être utile dans ce cas-ci, car les intervalles nous offre un «range» à atteindre. Par exemple, si je souhaite solliciter la force maximale, je peux demander à l’athlète de réaliser un squat dans un intervalle de 3-5 répétitions. Pas de %. Pas besoin de la méthode du RPE. Prend une charge qui avoisine les charges que tu utilises à l’habitude et réalise entre 3 et 5 répétitions. On peut permettre une à deux séries d’échauffement et ensuite 2 ou 3 séries de travail et voilà. Il y a un peu d’auto-régulation dans cette technique, mais cela permet néanmoins au préparateur physique d’avoir un peu plus de contrôle sur les charges soulevées.
Bref, le but de cet article était de partager avec vous une réflexion que j’ai eu dernièrement quant à l’utilisation des méthodes de détermination de l’intensité des exercices de musculation. Que cette réflexion fasse du sens ou non, je crois qu’il est simplement important de se mettre au diapason, en tant que préparateur physique, avec les athlètes que l’on supervise afin que ceux-ci puissent être à leur meilleur sur le terrain tout en limitant les chances que ceux-ci se retrouvent en dépassement (overreaching) ou pire en surentraînement, surtout en période de compétition.
Bon article Xavier,
j’aime beaucoup utiliser des fourchettes de reps avec les athlètes professionnels que j’entraîne, leur expérience me permet de fonctionner comme cela.
Avec les blessés de longue durée, les programmes ont pour but casser les records donc j’utilise plus volontiers des % sur les exercices ciblés.
Lorsque j’entraîne les jeunes athlètes du centre de formation j’utilise plutôt des % car ils ne se connaissent pas assez bien leurs charges d’entraînement.
Me permets-tu de mettre un lien vers ton article sur mon blog ?
Bonjour Fred,
Merci de partager ton expérience avec ceux qui vont lire l’article. J’utilise habituellement les intervalles de répétitions et les % avec les nouveaux athlètes lorsque je peux les évaluer préalablement avec des tests. Pour ma maîtrise, j’ai voulu contrôler les différentes variables du mieux que je pouvais. J’ai donc utilisé les % et j’ai obtenu des résultats intéressants qui m’ont poussé à cette réflexion. Le même phénomène s’est répété avec d’autres clients également en début de leur phase de préparation générale.
Tu peux mettre un lien vers cet article sur ton blogue sans problème.
Au plaisir de discuter davantage avec toi.
Xavier
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