Étions-nous en train de manquer le bateau?

Depuis quelques années, le domaine de l’entraînement à la performance pour les sports d’équipe a peu à peu délaisser l’entraînement en aérobie au profit du travail en anaérobie, car ce dernier est beaucoup plus spécifique à l’activité sportive.  Or, je note une tendance vers le retour à l’entraînement aérobie dans le but d’établir la fondation sur laquelle bâtir l’entraînement du système anaérobie.  J’ai déjà parlé du développement des filières énergétiques dans un article précédent (ici) dans lequel j’affichais clairement ma préférence pour l’entraînement par intervalles.  Mon point de vue est en train de changer.  Non pas que je délaisse ce type d’entraînement, mais bien qu’est-ce qu’il manquait pour optimiser cette méthode d’entraînement. Quelles sont les raisons derrière ce changement de cap?  Pourquoi nous, professionnels, avons nous changé notre discours de façon si drastique pour ensuite faire marche arrière?

Il est possible d’approcher le questionnement de l’entraînement aérobie vs l’entraînement anaérobie de bien des façons.  En premier lieu, on se doit de parler du principe de spécificité.  Selon Marion (1995; tiré de Roy, 2010) et Cardinal (1999, 2003; tiré de Roy, 2010), les adaptations d’un athlète suite à un entraînement sont spécifiques à la charge imposée et sont déterminées par les exigences du sport pratiqué.  Toutefois, il faut voir le processus d’entraînement dans son ensemble.  Les différents stimuli d’entraînement seront intégrés dans une charge périodisée (principe de périodisation de l’entraînement) qui suivra une progression (principe de progression) constante en terme de volume, d’intensité et de complexité de la tâche à accomplir; le tout selon les caractéristiques et besoins de l’athlète établis au départ (principe d’individualisation).  Quand un athlète ne fait que répéter des actions spécifiques au sport pratiqué, ce dernier n’est-il pas plus en train de faire comme plutôt qu’à s’entraîner pour?

Ensuite, il est impératif de prendre en considération que le corps humain fonctionne comme un tout.  Dans le cadre des filières énergétiques, il est erroné de croire qu’il est possible de diviser la participation de chaque filière énergétique dans la performance d’une activité.  Au commencement d’une activité, les trois systèmes (anaérobie alactique et lactique ainsi aérobie) contribue à la production d’énergie. Ce qui explique la contribution de chaque système vient du fait que le système anaérobie alactique fournit de l’ATP aux muscles plus rapidement comparativement au système aérobie, dont la production d’ATP, bien que plus grande, doit passer par beaucoup plus d’étapes chimiques et est dépendante de l’utilisation de l’oxygène.

Source: Ultimate MMA Conditioning (2009)

L’entraînement des trois systèmes de production d’énergie doit donc être considéré dans l’entraînement d’un athlète, puisque les adaptations d’un de ces systèmes peut avoir une forte incidence sur les deux autres.  Dans le cas qui nous intéresse, l’entraînement du système aérobie servira à établir une fondation pour l’entraînement des filières énergétiques.  Il existe bien des manières de développer ce système, mais ce que l’on peut retenir de l’entraînement en endurance est que celui-ci permettra, entre autres, une resynthèse améliorée de l’ATP/CP, une augmentation du nombre de mitochondries, une augmentation du VO2 max et du anaerobic threshold (le point où l’organisme n’est plus capable de reconvertir le lactate en pyruvate et commence à s’accumuler) et meilleure récupération (Oetter, 2011).  Il est aussi important de mentionner que cette base en aérobie améliora les bénéfices que l’on peut retirer de l’entraînement par intervalles (Magness, 2009; Oetter, 2011).  Il ne faut pas non plus négliger l’impact que le système aérobie peut avoir sur le système musculaire et vice versa.  Des exercices complexes comme le squat réalisé à un haut volume et une intensité faible taxeront également le système aérobie permettront à l’athlète de maintenir un travail d’intensité modérée sur une plus longue période de temps (Siff, 2004 et Yessis, 2006).

Il est vrai que l’entraînement du système aérobie aura un impact négatif sur le développement de la force et de la puissance (Siff, 2004).  Est-ce par la peur de voir une conversion des fibres rapides en fibres lentes?  Selon Steve Magness (2011), cela est peu probable à moins de ne faire qu’exclusivement de l’entraînement en aérobie.  Alors, tel que mentionné par Gambetta (2007), le défi est de développer cette composante aérobie sans toutefois compromettre l’explosivité qui est caractéristique aux sports intermittents.  Par quel moyen peut-on bénéficier des avantages que peut procurer l’entraînement du système aérobie sans toutefois impacter négativement le développement de la force et de la puissance?  Le meilleur moyen est une planification adéquate de l’entraînement, autant à long terme (sur une période de plusieurs mois) qu’à court terme (à l’intérieur d’une semaine d’entraînement).

Dans l’ensemble, si j’ai plusieurs mois de préparation à ma disposition, je peux me permettre de mettre l’accent sur des qualités physiques comme la force et l’hypertrophie ou force sous-maximale en combinaison avec l’entraînement du système aérobie.  À l’intérieur d’une semaine d’entraînement, il s’agirait donc d’y aller par ordre de priorité.  L’entraînement de la force demande un niveau de repos optimal pour être entraîné.  Je placerais donc ce genre de séance en début de semaine et l’entraînement de la force sous-maximale et de l’aérobie vers la fin de la semaine (off pour le week-end!).  Au fur et à mesure que nous progressons dans la planification de l’entraînement et que je tombe en préparation spécifique, mon focus serait alors tourné vers l’entraînement de la puissance, de la force maximale et du système anaérobie alactique afin d’améliorer la performance sportive.  Encore une fois, ces séances seraient placées en début de semaine.  Vers la fin de la semaine, l’entraînement serait alors davantage réservé soit à la capacité à répéter des sprints par l’entremise de l’entraînement par intervalles ou intermittent très court et/ou à l’endurance aérobie afin de faciliter la récupération.

En conclusion, je tiens à réitérer le besoin de voir la préparation physique comme un casse-tête.  Chaque pièce doit être soigneusement agencée afin d’obtenir le résultat escompté en plus de prendre en considération le contexte dans lequel l’on se trouve (sport de développement/amateur avec d’autres responsabilités ou sport professionnel).  Le besoin de faire comme semble être très présent dans la préparation sportive pour les sports intermittents et avec raison.  Toutefois, je crois qu’il est nécessaire de s’assurer d’avoir une solide fondation sur plusieurs plans importants de la préparation physique, soit l’endurance aérobie, la force maximale et l’exécution de patrons moteurs fondamentaux.  Par la suite, il sera d’autant plus facile de construire notre prescription d’entraînement en prenant compte des caractéristiques de chaque sport et de chaque athlète.

Sources:
Gambetta, V. (2007). Athletic Development: The Art & Science of Functional Sports Conditioning. Human Kinetics, Champaign, Il. 299 pages.
Jamieson, J. (2009). Ultimate MMA Conditioning. Performance Sportc Inc. 163 pages.
Magness, S. (2009). Aerobic Training is NOT the devil and the fallacy of muscle type conversions. Article retrouvé le 25 octobre 2011 à partir du site http://www.scienceofrunning.com/2009/12/aerobic-training-is-not-devil-and.html
Oetter, E. (2011). Research Review: Energy Systems, Interval Training, & RSA. Article retrouvé le 25 octobre 2011 à partir du site http://www.8weeksout.com/2011/10/10/research-review-energy-systems-interval-training-rsa/
Roy, M. (2010). Kin 353: Planification et Méthodes d’entraînement [notes de cours]. Université de Sherbrooke. 288 pages.
Siff, M.C. (2004). Supertraining. Supertraining Institute. Denver, CO. 498 pages.
Yessis, M. (2006). Build a Better Athlete: What’s Wrong with American Sports and How to Fix It. Equilibrium Books. Terre Haute, In. 228 pages.

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