Aller au contenu

Exemple d’application d’une approche centrée sur l’athlète en football universitaire québécois

Au cours des dernières semaines et même des derniers mois, plusieurs de mes lectures ont été en lien avec l’enseignement, le coaching et la pratique réflexive (en plus des lectures sur différents sujets reliés à la performance sportive !). Suite à la fin de la saison 2017 en football universitaire québécois, il est temps de prendre du recul et d’évaluer l’approche qui a été proposée en préparation physique avec les étudiants-athlètes afin d’améliorer le processus mis en place.

 

L’un des plus imposants défis pour le préparateur physique œuvrant dans le football universitaire a trait au nombre important d’étudiants-athlètes qui composent une équipe. À un certain point au cours du semestre d’hiver 2017, plus d’une centaine de joueurs figuraient sur l’alignement temporaire de celle-ci. Bien que le principe d’individualisation soit cité comme un des principes fondamentaux de l’entrainement, il est impossible de pouvoir mettre en place un programme d’entrainement individualisé pour chacun. Comme je l’ai souligné à plusieurs reprises aux joueurs, avoir une telle approche ferait en sorte que je passerais tout mon temps assis à mon bureau à monter les programmes et aucun temps sur le terrain à « coacher », enseigner ou ajuster le contenu des différentes séances. Il fallait donc mettre en place une démarche permettant à la fois de cibler les besoins de l’équipe en réponse aux exigences du sport, selon les exigences des entraineurs et selon les besoins individuels des joueurs.

 

Historiquement, le préparateur physique est responsable de préparer une planification annuelle d’entrainement qui sera composée de divers phases et cycles d’entrainement afin de développer les qualités physiques essentielles au sport du football. Pendant la période dite hors-saison, la majorité des activités d’entrainement sont réalisées en salle de musculation avec 1-2 séances par semaine sur piste afin de cibler les qualités d’accélération en sprint et les changements de direction. Traditionnellement, il est recommandé de débuter par une phase de préparation générale comprenant des cycles ciblant l’équilibre structurel, l’endurance musculaire et l’hypertrophie avant de réduire le volume et augmenter l’intensité pour cibler les qualités de force. Après plusieurs semaines, l’orientation du programme se dirige vers la conversion de cette force musculaire nouvellement acquise vers la puissance musculaire et, selon les besoins, vers l’endurance de puissance. Des exercices comme le développé couché, les tirades, le squat, le soulevé de terre et différentes variations des exercices d’haltérophilie sont couramment utilisés et progressés au cours de cette période, que cela soit en utilisant le %1RM ou le « velocity-based training ».

 

Toutefois, cette approche demeure somme toute assez rigide et linéaire. De nos jours, cette approche ne cadre plus tout à fait avec les exigences du football universitaire, notamment avec la tenue d’un camp hivernal lors de la semaine de relâche à la fin février ou début mars. De plus, les joueurs proviennent de différents programmes collégiaux avec différentes manières d’aborder la préparation physique, possèdent des historiques de blessures et d’entrainement varié. Des nouveaux joueurs doivent même s’adapter à la réalité universitaire au début du semestre d’hiver alors que d’autres débuteront leur parcours quelques semaines ou même quelques jours avant le début de la saison. Une approche dite prescriptive, c’est-à-dire orientée sur l’instruction où l’entraineur dit à l’athlète quoi faire peut avoir sa place dans certains cas, mais je vous encourage à explorer une approche favorisant l’« empowerment », soit une approche qui est centrée sur l’athlète. Le terme « empowerment » peut être défini comme un processus par lequel les gens prennent le contrôle des décisions qui affectent leur vie (Kidman, 2005; Kidman & Davis, 2007). Il s’agit donc de mettre à profit les connaissances des athlètes que l’on côtoie au quotidien afin qu’ils puissent prendre le contrôle de leur propre processus d’entrainement.

 

Dans notre contexte, il s’agissait de mettre en place la direction que prendra la préparation physique et la structure dans laquelle nous pourrons individualiser le choix des exercices et des méthodes d’entrainement selon les besoins des athlètes. Au préalable, le préparateur physique détermine les exigences du sport (que cela soit en discutant avec les entraineurs, par observation ou grâce à des données fournies par la technologie). Il détermine ensuite les besoins de l’athlète selon ses caractéristiques personnelles et en fonction de son sport. Puis, il détermine les objectifs des différentes séances, soit des objectifs (a) de performance, (b) cognitifs ou même (c) affectifs. Cette étape se fait grâce à une approche interdisciplinaire qui regroupe l’athlète en question, les entraineurs, le préparateur physique et les thérapeutes.

 

Une fois cette orientation et cette structure en place et partagées aux joueurs et aux entraineurs, cette approche centrée sur l’athlète et non plus centrée sur le préparateur physique constitue une forme de stratégie pédagogique qui peut améliorer la confiance et le respect entre l’athlète et l’entraineur (Kidman & Davis, 2007). Pendant une séance, le préparateur physique établit une routine qui permet l’individualisation des contenus. Par exemple, en utilisant le protocole d’échauffement RAMP proposé par Jeffreys (2006, 2017), les athlètes peuvent choisir les différents exercices à réaliser selon leurs besoins et leur préférence tout en respectant le cadre qui leur est offert. Cela est également possible en énonçant clairement les objectifs recherchés pour ladite séance et en offrant différentes progressions/régressions/variations d’exercices à réaliser. Kelvin Giles (2012, 2015) propose notamment plusieurs façons de progresser, de régresser ou de varier un exercice qui, une fois exposées et expliquées aux athlètes, permettent au préparateur physique de prendre un peu de recul et agir comme facilitateur dans le déroulement de la séance.

 

  • Statique à dynamique
  • Lent à rapide
  • Simple à complexe
  • Sans charge externe à avec charge externe
  • Dans toutes les directions
  • Dans tous les plans de mouvements
  • À toutes les vitesses
  • Dans toutes les amplitudes de mouvements
  • D’une extrémité à l’autre du continuum de la force-vitesse

 

De plus, en utilisant le questionnement afin d’impliquer activement l’athlète dans la sélection des exercices, le préparateur peut également faciliter l’apprentissage des athlètes et améliorer leur compréhension de la tâche à maîtriser et des concepts reliés à la performance sportive dans un contexte à la fois collectif et individuel.

 

Ainsi, l’entraineur ou le préparateur physique n’est plus l’unique détenteur de la connaissance. Les athlètes ont ainsi la possibilité de contribuer activement à ce processus d’entrainement qui est le leur. La mise en place d’une telle approche demande du temps et doit être supportée non seulement par les décideurs de l’organisation, mais aussi par les athlètes eux-mêmes. À cet égard, la mise en place d’un comité regroupant quelques joueurs qui pourront vous aider à l’implantation de votre approche est très importante non seulement dans la communication des objectifs de l’approche, mais surtout afin de faire comprendre le « pourquoi » et obtenir le « buy-in » nécessaire.

 

Au final, après une première année, je crois que cette approche demeure à être poursuivie et améliorée.

 

Références :

Giles, K. B. (2012). An introduction to athlete development. Movement Dynamics UK Ltd.

Giles, K. B. (2015). Movement efficiency for the developing athlete. Movement Dynamics UK Ltd.

Jeffreys, I. (2006). Warm up revisited–the ’ramp’method of optimising performance preparation. UKSCA Journal, 6, 15‑19.

Jeffreys, I. (2017). RAMP warm-ups : more than simply short-term preparation. PROFESSIONAL STRENGTH & CONDITIONING / WWW.UKSCA.ORG.UK, (44), 17‑24.

Kidman, L. (2005). Athlete-centred coaching : Developing inspired and inspiring people. (T. Tremewan, Éd.). Christchurch, New Zealand: Innovative Print Communications Ltd.

Kidman, L., & Davis, W. E. (2007). Empowerment in Coaching. Dans W. E. Davis & G. D. Broadhead (Éd.), Ecological Task Analysis and Movement (p. 121‑139). Windsor, Ontario: Human Kinetics.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée.