Faut-il divertir ses clients?

Les grandes entreprises de l’électronique n’est finissent plus de nous bombarder avec de nouvelles technologies et de nouveaux gadgets.  Nous n’avons qu’à penser à l’arrivée du iPod il y a quelques années et comment cela a évolué depuis.  L’industrie du conditionnement physique n’est pas différente.  Des accéléromètres aux ballons Bosu, en passant par les différentes applications mobiles qui vous permettent de calculer le nombre de calories brûlées lors de votre jogging matinal.  Les entraîneurs sont à la recherche du gadget et/ou de la pièce d’équipement qui leur permettra d’être au devant de la compétition, mais est-ce que cela est une bonne chose?

Dans le domaine du conditionnement physique pour la population générale, mon opinion est que certains outils/accessoires, tels que les moniteurs cardiaques par exemple, sont utiles dans des contextes bien précis.  Je prends pour exemple le Bosu et les Dynadiscs.  Je ne crois pas que son usage soit très pertinent dans un contexte de développement athlétique, quand l’on sait que l’un des principes fondamentaux liés à la performance sportive est le développement de la force maximale.  Pour citer une recherche faite par Eric Cressey (2007): «UST (Unstable Surface Training) using inflatable rubber discs attenuates performance improvements in healthy, trained athletes. Such implements have proved valuable in rehabilitation, but caution should be exercised when applying UST to athletic performance and general exercise scenarios».  Bien que les surfaces instables puissent offrir un défi intéressant à la personne qui s’entraîne de manière récréative, vous êtes en train de les divertir si l’utilisation de ces accessoires n’est pas requis pour leur condition particulière.

Pour ce qui est des appareils de musculation, je crois que ceux-ci sont dispendieux et font perdre au préparateur physique de l’espace qui pourrait lui être beaucoup plus rentable et bénéfique pour ses clients.  Par exemple, au lieu d’acheter 4-5 machines pour former un petit circuit d’entraînement qui lui coûtera environ 10 000$, pourquoi l’entraîneur n’investirait pas dans une surface de gazon artificiel où ses clients pourraient tout simplement courir et réaliser leur échauffement dynamique?  Un bon préparateur physique ou entraîneur personnel n’a pas besoin d’un vaste arsenal de machines et d’accessoires hauts en couleur pour être efficace et obtenir des résultats.  Des cages à squat, des poids libres, des bancs ajustables, des functional trainers et des accessoires comme des élastiques, des boîtes de pliométrie, quelques TRX et vous êtes bien équipé.

Le point est qu’il peut être facile de faire valoir notre savoir-faire en divertissant nos clients.  Le travail du préparateur physique est beaucoup plus complexe que de simplement prescrire une routine d’entraînement à un client en l’espace de 10 minutes.  Il requiert de s’informer tout d’abord de l’état de santé initial du client, de manière optimale à l’aide d’une discussion ouverte avec ce dernier et avec différents tests servant d’évaluation.  Suite à cette première rencontre, le préparateur physique doit prendre en considération tous les facteurs de la vie du client ou de l’athlète.  Est-ce que le client a beaucoup de temps à consacrer à l’entraînement?  Est-ce que son horaire d’école/travail lui permet d’arriver en condition optimale pour une séance d’entraînement?  Comment est-ce que ses activités de tous les jours peuvent avoir un impact sur son entraînement (et vice-versa), etc.   Dans un contexte de développement d’athlètes d’élite, il faut concevoir des séances d’entraînements de plusieurs qualités physiques et de filières énergétiques en prenant compte l’intégration harmonieuse de toutes ces composantes avec le calendrier de compétition, les pratiques et les impondérables tels que les blessures, le voyagement, etc.  Lorsque le but est de valider le progrès des athlètes au cours des mois d’entraînement, l’utilisation de différents outils s’avère toutefois nécessaire.

Si le préparateur physique supervise la séance en privé ou en petit groupe changera aussi la dynamique du coaching.  Et j’ai bien pris la peine de mentionner le mot coaching, car c’est ce que le préparateur physique doit faire.  Il se doit de diriger la séance, savoir apporter les correctifs nécessaires et même quand terminer prématurément la séance si la personne supervisée n’atteint pas les objectifs visés par la séance.  Aussi, il doit permettre à la personne entraînée de prendre responsabilité pour ses actions.  Le préparateur physique peut questionner les personnes sous sa tutelle sur les raisons de l’exécution d’un tel exercice selon ce qu’elles peuvent ressentir après avoir fait une série par exemple.  Il peut les questionner à savoir comment un tel exercice peut avoir un impact qui peut se traduire dans leur vie de tous les jours.

Le coach se doit de coacher!

Bref, il est important pour le préparateur physique de développer une relation avec ses clients en étant humain.  L’application des principes d’entraînement et l’individualisation du programme d’entraînement (il est possible d’adapter un programme de groupe selon les besoins particuliers des individus) seront toujours un gage de succès.  Si vous parvenez en plus à créer une atmosphère conviviale où les gens désirent venir s’entraîner et se pousser au-delà de leurs limites, et bien vous venez de devenir d’autant plus indispensable pour ces gens.  Pas besoin de leur en mettre plein les yeux, vos connaissances, votre passion et votre humanité s’en occuperont beaucoup mieux à long terme.

Source:

Cressey, M., West, C.A., Tiberio, D.P., Kraemer, W.J. & Maresh, C.M. (2007). The Effects of Ten Weeks of Lower-Body Unstable Surface Training on Markers of Athletic Performance. Journal of Strength and Conditioning Research, 2007, 21(2), 561–567.

7 réflexions au sujet de “Faut-il divertir ses clients?”

  1. Super article Xavier,

    Mais moi je vois cependant une utilité avec les surfaces instables pour le développement de la coordination et l’agilité notamment. Donc, ce n’est pas seulement pour la réhabilitation, comme noté par Cressey et non seulement pour le divertissement comme tu le mentionnes, mais bien qu’à noter, cela dépend du cycle d’entraînement et/ou dans la saison dans laquelle les athlètes se trouvent.

    1. Merci Patrick de ton commentaire.

      Je suis d’accord avec toi que l’utilisation d’une surface instable peut être requise dans un contexte bien précis. Je prends comme exemple un skieur alpin où la surface de descente est imprévisible et où j’intégrerai, dans une progression logique, une surface instable, car cela fait partie du sport. Je déplore toutefois l’utilisation de ces outils pour une population générale, comme faire des biceps curls sur Bosu ou une élévation des hanches (supine hip lift) lors d’un premier programme quand la personne ne maîtrise pas l’exécution du mouvement sur une surface stable. J’ai un Airex Pad et j’utilise des swiss ball pour certains exercices, une fois que j’ai maîtrisé la version stable.

      Dans le contexte du développement de la coordination et de l’agilité, comment est-ce que tu intègres la surface instable dans ta programmation?

      1. Pour moi, c’est une question de buts!

        Qu’es-ce qu’on veut accomplir avec l’entraînement?

        Entièrement raison avec toi que si on doit développer de la force ou puissance, les surfaces instables sont inutiles….mais même pour les athlètes de puissance/force (hockey, football, MMA/BJJ etc.), il y a des avantages à travailler avec des surfaces instables et en agilité et en coordination. Le rôle du coach ou de l’entraîneur est de déterminer quand utiliser ces entraînements et s’assurer que les athlètes atteignent leur plein potentiel en sport lors de la saison et en entraînement lors de « off-season ».

        Le raisonnement critique devient donc ce qui sépare le bon coach des moins bons. Pour moi, Il est important de travailler sur les faiblesses et améliorer tout aspect du conditionnement physique lors du « off-season » et de maximiser la prévention des blessures lors de la saison compétitive. Ajouter des exercices bilatéraux vs unilatéraux, ou même avec des charges inégales ( i.e 35lbs sur un côté de la barre et 40-45lbs sur l’autre) lors d’un squat. Ce genre d’exercice travaille notamment le « core » en plus d’être capable d’aller chercher des bénéfices en force et en puissance.

        Mais pour répondre à ta question spécifiquement au sujet de la coordination et l’agilité, voici ce que je recommande de manipuler comme entraîneur/coach:
        1- considérer la position initiale de mouvement (debout, à genoux, couché, assis)
        2- faire le même mouvement avec et sans équipement de stabilité
        3- amplitude de mouvement – statique, dynamique lent, rapide, explosif
        4- avec un rythme constant ou variable
        5- avec le yeux ouverts ou fermés (pas avec les sports ou l’on lance/attrape pour des raisons évidentes…hehe)
        6- en surface stable ou instable
        7- en position/charge symétrique ou asymétrique.
        8- avec et sans fatigue musculaire (parce que presque toutes les blessures arrivent lorsque les athlètes sont fatigués)

        Voici le lien d’un exemple de programmation que je fais avec des athlètes de soccer. http://youtu.be/tL29716Nm14

        Ceci dit, je travaille principalement la coordination et l’agité quand mes athlètes ont de besoin d’un « break » dû à leur volume d’entrainement ou quand on doit faire du travail pour remonter le moral dans une équipe … parce que ce genre d’entraînement est toujours amusant dans ma perspective et bon pour n’importe quel âge.

        Mais ouin…commence moi pas avec des biceps curl sur le Bosu.

    2. Bonjour à vous deux !

      Je suis plutôt d’accord avec Xavier. L’utilisation des surfaces instables dans la population générale est souvent très rapide. Trop rapide à mon avis.
      Sous l’intitulé d’entrainement « fonctionnel », certains entraîneurs proposent beaucoup d’exercices sur Bosu, swiss ball, TRX, etc, très tôt dans le programme.
      En dehors de contextes particuliers (réduction des blessures par ex), je place plutôt leur utilisation en fin de progression dans le choix de mes exercices. Je m’assure ainsi d’avoir pris du temps pour développer gainage et stabilité.
      Je comprends que cela semble ludique pour le pratiquant, mais cela ne permet pas d’atteindre l’objectif pour lequel les sportifs nous sollicitent : la performance.
      En tant que professionnels, nous devons nous aussi faire la différence entre les faits scientifiques et le marketing des outils d’entrainement.

      Xavier Barbier
      http://www.xavierbarbier.com
      http://www.performanceathletique.com

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