Intégrer la préparation physique et l’entrainement technico-tactique en football québécois

Contrairement à certains autres sports collectifs comme le soccer, le hockey sur glace ou le rugby, la saison de compétition en football est habituellement concentrée sur une période de 3-4 mois à l’automne, généralement à partir du mois d’août jusqu’en novembre si l’équipe participe aux séries d’après-saison. La période d’entre-saison est donc longue (jusqu’à 8 mois) et consiste majoritairement en du travail de préparation physique ; bien qu’un nombre prédéterminé de séances d’entrainement technico-tactique soit possible au cours de cette période. Par exemple, plusieurs équipes tiendront un camp hivernal pendant la semaine de relâche scolaire du mois de mars ainsi que quelques entrainements collectifs au cours de l’été avant d’entreprendre le camp de pré-saison au début du mois d’août.

Évidemment, certains préparateurs physiques dans les autres sports collectifs souhaiteraient obtenir plus de temps pour proposer une préparation physique plus optimale aux athlètes sous leur charge. Cependant, cette longue période de préparation physique en football a également un côté négatif ; le fait que la préparation physique puisse être « déconnectée » des exigences du sport et de ce qui se déroule au cours du jeu. L’entrainement en salle de musculation peut devenir ainsi une sorte de finalité plutôt qu’un moyen, les acquis réalisés pouvant être moins spécifiques en tenant compte de la notion de transfert vers les habiletés sportives.

La nature des sports comme le rugby ou le soccer permet l’intégration de la préparation physique et de la préparation technico-tactique dans le cadre d’une seule et même séance grâce à une périodisation dite tactique (Crespo, 2011; Delgado-Bordonau & Mendez-Villanueva, 2012). Les différentes composantes (tactique, technique, physiologique et psychologique) qui constituent ces sports peuvent donc être entrainées de manière intégrée. En football, ces quatre composantes sont toutefois souvent entrainées en isolation compte tenu de la nature intermittente du sport et de la spécificité des positions, entre autres. Cette intégration peut certes sembler difficile à réaliser, mais elle n’est pas impossible.

À cet égard, l’analyse approfondie des exigences du football en termes d’actions réalisées sur le terrain (désormais plus facilement quantifiables avec les microtechnologies), l’obtention des ratios travail:repos ou modélisation de la compétition (« competition modeling ») permet de reproduire et adapter, à l’entrainement, ce qui se déroule au cours des matchs. Plisk & Gambetta (1997) proposent ainsi une modélisation tactique afin de mieux intégrer l’entrainement des filières énergétiques avec l’entrainement technico-tactique selon cinq critères : (a) l’identification des critères du modèle de compétition comme le niveau de jeu (secondaire, universitaire, pro) ou le système de jeu utilisé, (b) l’identification de la nature des événements tactiques qui composent le jeu (intensité, séquence de jeu – séquence à l’attaque ou face à un revirement de possession), (c) la sélection des événements ou responsabilités tactiques selon la revue des analyses vidéos, (d) l’évaluation du travail à réaliser (sprints intermittents ou activité continue, temps de repos prolongé) et (e) la sélection des activités d’entrainement en termes de séries, répétitions, temps de repos selon la position. Cette méthode a l’avantage d’intégrer les différentes tâches d’entrainement tout en optimisant le temps à sa disposition dans un contexte sûrement plus motivant que de courir de manière linéaire sur une distance et pour un nombre de répétitions déjà préétablies.

Bien entendu, il est préférable d’obtenir des données issues de votre équipe afin de pouvoir modéliser de manière tactique votre entrainement. Cependant, une recherche dans la littérature scientifique permettra de trouver des données sur lesquelles construire les bases de votre modélisation. Par exemple, au niveau universitaire américain, Hoffman (2008) rapporte qu’une unité offensive en NCAA Division 3 réalise en moyenne 14,4 séries comprenant 4,6 jeux par série pour environ 66 jeux par match, tandis que les équipes de la National Football League (NFL) réalisent en moyenne 5,3 à 5,6 jeux par série offensive. Concernant la durée des efforts, Iosia & Bishop (2008) ont rapporté des durées de jeu de 4,84 ± 1,4, 5,41 ± 1,6 et 5,44 ±1,6 secondes selon le style offensif (au sol, par la passe ou équilibré, respectivement) chez des équipes NCAA Division IA avec un temps de repos de 46,9 ± 34 secondes. Les ratios travail:repos de 1:5-1:8 obtenus dans cette étude sont similaires à ceux répertoriés par Rhea, Hunter, & Hunter (2006) en football de niveau secondaire (1:5,5), universitaire américain (1:6,1) et professionnel (1:6,2). Une récente étude (Wellman, Coad, Goulet & McLellan, 2016) a examiné les exigences du sport en football universitaire américain et propose une description des profils de mouvements selon les différentes positions.

Ces informations en main, vous pourrez alors proposer, de concert avec les entraineurs sportifs, des contenus d’entrainement plus près de la réalité de votre sport en situation de compétition. Ces contenus d’entrainement ne viennent pas remplacer le travail plus général qu’il est possible de réaliser en salle de musculation ou sur le terrain en ce qui a trait au développement des filières énergétiques, mais constituent une progression logique du travail de préparation physique vers la conclusion de la période de préparation une fois que les fondations de force, de conditionnement et de technique sont bien établis.

 

Références :

Crespo, M. (2011). Tactical periodisation in tennis : An introduction. ITF Coaching and Sport Science Review, 53(19), 16–18.

Delgado-Bordonau, J. L., & Mendez-Villanueva, A. (2012). Tactical Periodization: Mourinho’s best-kept secret? Soccer Journal, (May/June), 29–34.

Iosia, M. F., & Bishop, P. A. (2008). Analysis of exercise-to-rest ratios during division IA televised football competition. J Strength Cond Res, 22(2), 332–340.

Plisk, S. S., & Gambetta, V. (1997). Tactical Metabolic Training- Part 1. Strength & Conditioning Journal, April, 44–53.

Rhea, M. R., Hunter, R. L., & Hunter, T. J. (2006). Competition modeling of American football: Observational data and implications for high school, collegiate, and professional player conditioning. J Strength Cond Res, 20(1), 58–61.

Wellman, A., Coad, S., Goulet, G., & McLellan, C. (2016). Quantification of competitive game demands of NCAA Division I college football players using global positioning systems. J Strength Cond Res, 30(1), 11–19.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée.