La structure sociale que représente une équipe sportive est complexe et dynamique. Son évolution, ainsi que celle des membres qui la composent, s’adapte aux diverses situations, défis et autres circonstances qu’elle rencontre. En examinant les travaux de Wenger (1998) sur les communautés de pratique (également cités dans Galipeau & Trudel, 2004, 2005; Jones, 2007; Jones, Morgan, & Harris, 2012; Sullivan, 2008), il est possible de mieux situer le rôle de l’entraîneur sportif, du groupe d’entraîneurs et de l’équipe de soutien vis-à-vis les athlètes qui font partie de l’équipe.
A priori, une communauté de pratique peut être définie comme un groupe comprenant plusieurs individus qui partagent une passion, rencontrent un problème particulier qui les interpellent… et qui approfondissent, partagent leurs connaissances, leurs expériences et leur expertise par les interactions qu’ils ont entre eux (Galipeau & Trudel, 2004). Dans le contexte d’une équipe sportive, nous retrouvons non pas une communauté de pratique, mais bien deux : le groupe d’entraîneurs et les membres ou athlètes qui composent de l’équipe (Galipeau & Trudel, 2004). La relation entre ces deux communautés se fait selon trois dimensions : une volonté de réaliser un objectif/atteindre un but, un engagement mutuel et un répertoire ou vocabulaire commun (Galipeau & Trudel, 2005; Smith, 2003). Toutefois, cette relation constitue une de négociation continue entre les deux groupes ; les objectifs des entraîneurs pouvant différer de manière assez importante des objectifs et aspirations des athlètes.
Pour l’entraîneur-chef, situer son rôle ainsi que celui des autres entraîneurs et membres de l’équipe de soutien par rapport aux athlètes peut se révéler très bénéfique. A priori, cela permet d’établir une ligne de communication claire avec les athlètes, que cela soit sur le plan sportif, académique ou social. Quels sont les objectifs, les buts collectifs et individuels de chaque membre de l’équipe ? Est-ce qu’un athlète est motivé par l’atteinte d’un niveau de performance élevé ou davantage par l’impact qu’il peut avoir sur l’ambiance autour de l’équipe par exemple ? Cela permet également à l’entraîneur d’adapter son approche par rapport à certaines compétitions, à l’atteinte de certains objectifs au cours d’une saison de compétition ou à situer le rôle d’un athlète à l’intérieur de l’équipe.
À cet égard, considérer les athlètes d’une équipe sportive comme une communauté de pratique où l’intégration des membres se fait de manière progressive selon le niveau de participation est aussi intéressant pour l’entraîneur-chef et son équipe de soutien. Dans une recherche sur l’expérience des recrues au sein d’une équipe de sport de niveau universitaire, Galipeau & Trudel (2004) rapportent qu’un joueur recrue se situe d’abord en périphérie de la communauté de pratique que forme l’équipe sportive. Selon son niveau de participation, l’interaction qu’il a avec les autres membres « vétérans » de l’équipe et aussi de la perception qu’on les autres joueurs quant à l’arrivée de cette recrue, ce dernier peut s’intégrer plus ou moins facilement à cette communauté de pratique. Au cours de ce processus, l’entraîneur-chef a certainement un rôle ou une influence à jouer. Cette zone d’influence de l’entraîneur peut toutefois avoir des répercussions positives ou négatives, autant pour lui que pour l’athlète en question. Forcer l’équipe à accepter un joueur qu’elle ne souhaite pas intégrer à sa communauté de pratique ne rendra pas la vie facile à l’entraîneur. Toutefois, aider un joueur recrue à s’intégrer en favorisant les interactions avec certains vétérans clés ou l’aider dans le développement de ses habiletés sportives ou sociales peut s’avérer être une action importante pour l’entraîneur, la recrue en question et l’équipe dans son ensemble.
Pour les autres membres du groupe d’entraîneurs, cette zone d’influence est également valide, mais à plus petite échelle et dans un contexte relationnel différent. Tandis que l’entraîneur-chef occupe souvent un rôle de gestionnaire ou de « chef de projet performance » (Pérez, 2009), les entraîneurs-adjoints eux travaillent habituellement avec un groupe restreint d’athlètes, ce qui leur permet d’avoir un contact plus étroit et souvent peut-être plus personnel avec eux ; les athlètes pouvant être plus ouverts à partager des informations personnelles (difficultés sportives, académiques, personnelles, etc.) avec l’entraîneur-adjoint qu’avec l’entraîneur-chef. Alors que l’entraîneur-chef s’occupe avant tout de l’équipe dans son ensemble, les adjoints et les membres de l’équipe de soutien peuvent travailler davantage sur l’individu et ses besoins du moment, ce qui peut aider cet athlète à se développer et s’épanouir sur les plans sportif, personnel ou académique.
En conclusion, examiner la place et le rôle de l’entraîneur sportif selon la théorie de la communauté de pratique peut aider à mieux comprendre la dynamique de négociation entre ce dernier et les athlètes qu’il supervise. Cela peut permettre ultimement de mieux encadrer l’athlète dans son développement et l’atteinte de ces objectifs tout en permettant à l’entraîneur, ses adjoints et les membres de l’équipe de soutien de mieux orienter le contenu de leurs diverses interventions auprès de joueurs.
Bibliographie
Galipeau, J., & Trudel, P. (2004). The experience of newcomers on a varsity sport team. Applied research in coaching and athletics annual, 19, 166‑188.
Galipeau, J., & Trudel, P. (2005). The role of the athletic, academic, and social development of student-athletes in two varsity sport teams. Applied research in coaching and athletics annual, 20, 27‑49.
Jones, R. L. (Éd.). (2006). The Sports Coach as Educator: Re-conceptualising sports coaching. New York, NY: Routledge.
Jones, R., Morgan, K., & Harris, K. (2012). Develpping coaching pedagogy : seeking a better integration of theory and practice. Sport, Education and Society, 17(3), 313‑329.
Pérez, S. (2009). Cognition et formation en sport de performance : De nouveaux cadres de pensée pour comprendre l’activité et la formation des cadres du sport de haut niveau? Intellectica, 2(52), 119‑137.
Smith, M. K. (2003). Communities of practice. The encyclopedia of informal education. Consulté à partir de l’adresse : www.infed.org/biblio/communities_of_practice.htm.
Sullivan, M. O. (2008). Creating and Sustaining Communities of Practice Among Physical Education Professionals. eJRIEPS, 15, 21‑31.
Wenger, E. (1998). Communities of Practice : Learning, Meaning and Identity. New York: Cambridge University Press.