La différence entre les charges d’entraînement réelles chez des joueurs de football collégial et celles planifiées par l’entraîneur-chef

Introduction

Dans plusieurs sports, le début de la saison de compétition est précédé par la période de pré-compétition ou ce que l’on peut appeler le camp d’entraînement.  Il s’agit d’une période de la planification annuelle d’entraînement pendant lequel l’accent est porté davantage sur l’acquisition ou le raffinement des habiletés techniques et par la mise en place des systèmes de jeux.  Pendant ce temps, le temps accordé à la préparation physique est de beaucoup diminué et on priorise un travail en qualité dans le but de maintenir les acquis obtenus lors de la période de préparation.

La logique veut que les athlètes soit frais avant d’entreprendre les compétitions.  Or, dans leur contexte actuel, les camps d’entraînement sont rigoureux et peuvent imposer beaucoup de fatigue sur les athlètes qui y prennent part.  Un exemple qui me vient à l’esprit est celui du football.  On entend beaucoup que les joueurs détestent les camps d’entraînement qui précèdent la saison avec les deux ou trois entraînements par jour, le lever aux petites heures du matin et les longues nuits à étudier pour assimiler le livre de jeux, sans compter le stress d’avoir à performer pour se tailler une place sur l’alignement partant.

La réalité du football collégial est similaire.  Toutefois, nous avons un horaire d’entraînement qui n’est pas aussi rigoureux qu’au football universitaire et professionnel.  Toutefois, les enjeux sont les mêmes pour les joueurs, soit démontrer leurs habiletés et leur compréhension du cahier de jeux afin de se tailler une place sur l’équipe.  Ceux-ci doivent en plus composer avec leur emploi-étudiant et la rentrée des classes qui est imminente.

Le contexte des Triades de Lanaudière

Par les années passées, nous avions l’habitude de débuter le camp à fond de train avec beaucoup de contacts physiques entre les joueurs.  C’est le football me direz-vous, mais cela est souvent venu jouer contre nous vers la fin de la saison alors que nous avions à composer avec davantage de blessés.  Or cette année, les entraîneurs ont décidé de retarder l’introduction des contacts physiques en pratique.  Donc, au cours de 3 premières pratiques, les joueurs ne portaient que leur casque et chandail de pratique et le contenu des pratiques était largement orienté à l’implantation des systèmes offensifs et défensifs.  Les premières pratiques avec contact ont eu lieu lors du samedi de la première semaine d’entraînement, soit après trois séances d’entraînement technico-tactiques déjà.

Nous avons également retardé l’exécution des entraînements intermittents très courts de type 10″/10″ afin de limiter les incidences de périostites compte tenu du fait que des joueurs n’ont que peu participer aux activités de course pendant l’été et que l’augmentation importante du volume de course peut déclencher ce genre de blessure de surutilisation.

Vous trouverez ci-dessous le calendrier du camp d’entraînement pour la saison 2013.

Calendrier d’entraînement

5 août 2013Réunion d’équipe
6 août 2013Pratique
7 août 2013Pratique
8 août 2013Pratique
9 août 2013Congé
10 août 2013Pratique – Début des pratiques avec contacts physiques
11 août 2013Pratique – Première pratique «Live» et introduction des 10/10
12 août 2013Congé
13 août 2013Pratique
14 août 2013Pratique
15 août 2013Congé
16 août 2013Départ pour la retraite fermée – pas de pratique
17 août 2013Retraite fermée – 2 pratiques pendant la journée
18 août 2013Retraite fermée – 2 pratiques pendant la journée
19 août 2013Congé
20 août 2013Pratique
21 août 2013Pratique
22 août 2013Pratique
23 août 2013Congé
24 août 2013Match #1 contre Champlain Saint-Lambert
25 août 2013Congé

Objectifs 

Suite à mes études à la maîtrise en kinanthropologie où j’ai quantifié la charge d’entraînement (CE)  en football universitaire canadien pendant un mésocycle de 4 semaines après la saison de compétition avec la méthode de la Séance-RPE (sRPE), j’ai voulu répéter l’expérience, mais dans un contexte de camp d’entraînement où la perception de l’effort des joueurs peut s’avérer différente de celle de l’entraîneur.  Cette volonté de comparer les CE provient d’une étude menée par Wallace, Coutts, Bell, Simpson, & Slattery (2008) qui ont comparé la perception de l’effort et la CE de nageurs et de leur entraîneur et qui a démontré d’importances différences entre les deux parties.  Par exemple, pour une séance qualifiée de facile par l’entraîneur, les nageurs peuvent l’avoir perçue comme difficile et inversement.

Méthode utilisée

Pour quantifier la CE, la méthode de la Séance-RPE basée sur les travaux de Carl Foster (Foster, 1998; Foster et al., 2001) a été utilisée.  Celle-ci consiste à multiplier la durée de la séance d’entraînement en minutes par la perception de l’effort sur une échelle de 1 à 10, échelle qui est modifiée selon celle de Borg (1985).  Ensuite, avec les données obtenues, la monotonie et la contrainte sont calculées. La monotonie permet de mesurer la variabilité ou l’uniformité au jour le jour de l’entraînement et est associée au surentraînement lorsque les charges d’entraînement sont élevées (Foster, 1998; Coutts, 2001).   Une valeur plus grande que 2 (ou 1 selon Gazzano, 2007) représente un entraînement qualifié de monotone. Une contrainte élevée, dépendante de la monotonie, a quant à elle été associée au surentraînement et à la maladie chez des athlètes (Foster, 1998).   Cette méthode de la sRPE a été utilisée dans de nombreux sports, notamment le soccer (Gomez-Piriz, Jiménez-Reyes, & Ruiz-Ruiz, 2011; Impellizzeri, Rampinini, Coutts, Sassi, & Marcora, 2004), le basketball (Foster et al., 2001; Moreira, McGuigan, Arruda, Freitas, & Aoki, 2012) et le rugby (A. Coutts, Murphy, Pine, Reaburn, & Impellizeri, 2003)

Descriptions des athlètes sélectionnés

Les trois athlètes dont les CE ont été compilées sont des vétérans qui ont participé à un entraînement plus personnalisé que ce qui est réalisé par les autres membres de l’équipe.  Il faut donc prendre en considération le fait qu’ils possèdent un bagage d’entraînement plus vaste au niveau des exercices réalisés (complexités, intensité, progressions, nombre de séances réalisées, etc.) comparativement à des joueurs recrues par exemple.  Ce sont également ces joueurs qui ont rempli les formulaires de quantification de la CE avec le plus d’assiduité et le plus de détails quant au type de séance réalisée.

Pour le bien de cette étude informelle, les participants devaient remplir le formulaire de quantification de la charge d’entraînement en inscrivant la durée et la perception de l’effort suite à la dite séance.  Ils devaient également noter le type de séance réalisée, soit une séance technico-tactique ou une séance de musculation.

Dans le cas de l’entraîneur-chef, ce dernier devait évaluer le degré de difficulté des séances technico-tactiques uniquement; ce dernier n’ayant pas d’influence sur les séances de musculation réalisées par les participants.  Le même principe de calcul de la Séance-RPE

Les données

J’ai décidé de présenter les données de manière à inclure les données globales, soit les séances technico-tactiques et les séances d’entraînement de type musculation et filières énergétiques et les données uniquement technico-tactiques à cause du manque d’influence de l’entraîneur-chef sur les séances d’entraînement hors-football.

Pour les trois semaines de camps, voici les diverses données de la CE des athlètes.

En premier lieu, voici les données concernant uniquement les séances technico-tactiques et le match du 25 août 2013 :

En second lieu, vous trouverez les données qui incluent les séances technico-tactiques et les séances d’entraînement de type musculation et filières énergétiques :

Nous remarquons que les données de la monotonie sont bien en-deçà de la valeur limite de 2, sauf pour l’athlète #3 lors de la première semaine d’entraînement.  Cela s’explique par des activités à chaque jour avec peu de variabilité au niveau de la charge d’entraînement ou sRPE dans son cas. Les valeurs sont également plus lorsque les athlètes ont combiné les trois pratiques dans la semaine avec des séances réalisées en salle de musculation.  Ce travail en salle est nécessaire afin de maintenir les acquis, mais une trop grosse charge de travail (sRPE) aura un effet certain sur la CE hebdomadaire et donc la monotonie et la contrainte.   Malgré les deux entraînements par jour au cours de la retraite fermée, les deux jours sans entraînement ont contribué à minimiser l’impact de la retraite fermée sur la monotonie, malgré une CE et une contrainte plus grandes.  Dans ce cas-ci, il semble que cela soit la fréquence des activités  qui aura davantage une influence sur la monotonie.

D’un point de vue pratique, l’insertion d’une journée complète de repos aura un effet bénéfique sur la monotonie, la contrainte et la CE hebdomadaire.  De plus, il semble que cela soit les ajouts de séances d’entraînement qui peuvent mener à un phénomène de surentraînement, surtout en période de compétition.  La volonté de poursuivre le développement des qualités physiques peut donc s’avérer négative dans cette période de plan annuel d’entraînement; de là l’importance de garder des séances courtes et de qualité avec un volume d’entraînement (nombre de répétitions et de séries) faible.

Quand nous examinons les données comparativement à celle de l’entraîneur-chef, il est intéressant de constater que, dans l’ensemble, celui-ci a perçu les séances d’entraînement comme plus difficiles que les joueurs.  Cela est, à mon avis, une bonne chose puisqu’en pensant être plus dur, celui-ci ne serait pas tenter d’augmenter outre mesure l’intensité ou la durée des séances d’entraînement.

Dans le graphique ci-dessus, nous pouvons remarquer la stratégie de l’entraîneur de diminuer la CE à chaque pratique de la semaine de manière à s’assurer que les joueurs soient frais pour le match du week-end.

Dans le tableau ci-dessous, nous retrouvons un portrait d’ensemble des trois semaines de camp d’entraînement de la part des joueurs et de l’entraîneur-chef :

Nous remarquons une CE plus élevée lors des jours avec entraînement technico-tactique, avec des pointes lorsque les joueurs ont également réalisé une séance en salle au cours de cette même journée et lors de la retraire fermée.  Toutefois, il semble que l’importance des jours avec un entraînement léger ou un repos complet sont des plus bénéfiques pendant cette période.

À cet égard, nous pouvons nous questionner sur l’impact d’un camp d’entraînement intensif avec plusieurs entraînements par jour lorsque peu de jour de repos sont disponibles.  Il est fort probable que le manque de variabilité de l’entraînement, selon les suggestions de Foster (1998) et Foster & Lehmann (1997) d’alterner les jours dits «hard/easy», combiné à une charge de travail très grande peut mener les athlètes à entamer une saison dans un état de forme qui n’est pas optimal.  Cette disposition serait donc intéressante à mesurer et documenter.  Il serait même pertinent de comparer ces données entre les vétérans et les recrues qui arrivent dans le programme; ces derniers ne possédant pas le même bagage d’entraînement que les vétérans.  En somme, ces données pourraient nous permettre de remettre en question les pratiques communes aux camps d’entraînement et vérifier si les pratiques courantes sont contraires à ce qui est suggéré dans la littérature et surtout, souhaité sur le plan sportif, qui est de s’assurer d’un état de forme optimal pour la durée de la saison de compétition et les séries éliminatoires dans le but de mettre la main sur le championnat.

Bibliographie

Borg, G et al. (1985). Perceived exertion in relation to heart rate and blood lactate during arm and leg exercise. Eur J Appl Physiol. 65: 679-685.

Coutts, A., Murphy, A., Pine, M., Reaburn, P., & Impellizeri, F. (2003). Validity of the session-RPE method for determining training load in team sport athletes. Journal of Science and Medicine in Sport, 6(4), 525. doi:10.1016/S1440-2440(03)80285-2

Coutts, Aaron. (2001). Monitoring Training in Team Sports. Sports Coach, 24(3), 21–23.

Foster, C. (1998). Monitoring training in athletes with reference to overtraining syndrome – Carl Foster. Med. Sci. Sports Exerc., Vol. 30, No. 7, pp. 1164-1168, 1998., 1164–1168.

Foster, C., Florhaug, J. A., Franklin, J., Gottschall, L., Hrov, L. A., Suzanne, P., … Dodge, C. (2001). A New Approach to Monitoring Exercise Training. J Strength Cond Res. 15(1):109-15., 15(1), 109–115.

Foster, C. & Lehmann, M. (1997). Overtraining syndrome. Dans De l’entraînement à la performance en football – Partie B, Chapitre 1 : Contrôle et suivi de l’entraînement en football : Périodisation et charges d’entraînement. Édition de Boeck Supérieur. 512 pages.

Gazzano, F. (2007). Contrôle de la charge et prévention du surentraînement, Retrouvé le 21 février 2013 à partir du site web :

Gomez-Piriz, P. T., Jiménez-Reyes, P., & Ruiz-Ruiz, C. (2011). Relation between total body load and session rating of perceived exertion in professional soccer players. Journal of strength and conditioning research, 25(8), 2100–2103.

Impellizzeri, F. M., Rampinini, E., Coutts, A. J., Sassi, A., & Marcora, S. M. (2004). Use of RPE-Based Training Load in Soccer. Medicine & Science in Sports & Exercise, 36(6), 1042–1047. doi:10.1249/01.MSS.0000128199.23901.2F

Moreira, A., McGuigan, M. R., Arruda, A., Freitas, C., & Aoki, M. S. (2012). Monitoring internal load parameters during simulated and official basketball matches. Journal of strength and conditioning research, 26(3), 861–866.

Wallace, L., Coutts, A., Bell, J., Simpson, N., & Slattery, K. (2008). Using Session-RPE to Monitor Training Load in Swimmers. Strength and Conditioning Journal, 30(6), 72–76. doi:10.1519/SSC.0b013e31818eed5f

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