La Séance-RPE: Étude de cas

La méthode de la Séance-RPE (Session-RPE en anglais) est un outil qui permet de quantifier la charge d’entraînement grâce à l’utilisation d’une échelle modifiée de perception de l’effort.  Simple et facile à utiliser, cette méthode parmi tant d’autres permet au préparateur physique et à l’entraîneur sportif d’effectuer le suivi de l’entraînement des athlètes sous leur tutelle à savoir si ceux-ci répondent de manière positive ou non à l’entraînement auquel ils sont soumis.

Qu’est-ce que la charge d’entraînement?

La charge d’entraînement est le stress imposé à un athlète par le biais de l’entraînement ou de compétitions.  On relate deux types de charges d’entraînement: la charge d’entraînement externe et la charge d’entraînement interne.  La charge externe est plus facilement mesurable, puisqu’elle est obtenue grâce à des données de type quantitatives.  Des données comme le volume d’entraînement (distance parcourue, nombre de répétitions, contacts au sol, etc.), l’intensité de l’entraînement (% du 1RM, %VAM, Watts, %VO2max, etc.), la densité de travail et la fréquence des entraînements.  Ces données nous permettent d’établir des prescriptions d’entraînement selon les objectifs à atteindre, les demandes du sport, entre autres.  Toutefois, comment savoir si cette prescription a eu les effets escomptés?  Comment réagit l’athlète suite à la séance qu’il vient de réaliser?  Le stress physiologique et même psychologique d’un entraînement, d’un match ou d’un tournoi et la réponse de l’organisme à ce stress constitue la charge d’entraînement dite interne.  Connaître cette charge d’entraînement interne est importante pour planifier et faire le suivi du rythme des adaptations physiologiques que l’on sollicite.  Sans cette donnée, l’entraîneur ne peut que prescrire des contenus d’entraînement selon les données obtenues grâce à la charge externe et à la théorie derrière sa prescription d’entraînement.  Il y a alors un écart considérable entre ce que l’entraîneur croit être l’entraînement idéal dans le contexte actuel pour l’athlète et ce que ce dernier perçoit ou ressent.

L’étude de cas

L’utilisation de la perception de l’effort et de la méthode du Séance-RPE constitue le sujet de ma maîtrise en ce moment.  Je ne peux toutefois pas partager avec vous les résultats pour l’instant.  Toutefois, lors d’un atelier sur l’haltérophilie pour les athlètes d’un collègue, j’ai eu la chance de discuter de la méthode du Séance-RPE avec une ex-athlète de niveau international.  Cette athlète s’entraîne maintenant davantage en salle de musculation avec des jeunes athlètes en football et n’a pas pratiqué son sport depuis plusieurs années.  Elle était très curieuse à propos de la méthode de la Séance-RPE et a démontré son intérêt à participer à une étude de cas sur une période de 6 semaines.

Donc, pour la durée de 6 semaines, elle devait indiquer, à chaque entraînement, la durée de celui-ci ainsi que la perception de l’effort sur une échelle de 0-10 et cela 30 minutes après la conclusion de son entraînement de manière à obtenir une perception d’entraînement globale de la séance.  Dans notre cas, nous avons répertorié les activités suivantes où elle devait prodiguer durée et perception de l’effort: entraînements en salle de musculation, marche aller-retour de son domicile au Cégep, course, vélo et travail manuel la fin de semaine.

Nous avons par la suite obtenu sa charge d’entraînement quotidienne (Séance-RPE) en multipliant la durée de son entraînement (minutes) par sa perception de l’effort (0-10).  Lorsque celle-ci a réalisé deux entraînements dans la même journée, les Séance-RPE étaient tout simplement additionnées.  Grâce à ces données, nous avons été en mesure d’obtenir les mesures suivantes:

Monotonie de l’entraînement = Charge quotidienne moyenne/Écart-type de la charge

Contrainte d’entraînement = Charge d’entraînement hebdomadaire x Monotonie

Indice de fitness = Charge d’entraînement hebdomadaire – Contrainte d’entraînement

La monotonie constitue la variabilité quotidienne de l’entraînement.  Une faible variabilité, qui est en fait un entraînement monotone, augmente le risque de surentraînement.  Un exemple serait de réaliser, sur une période de quelques semaines, des entraînements très intenses avec très peu de séances d’entraînement à volume et intensité faibles ou peu de jours de repos complets.  La contrainte, quant à elle, est liées à des adaptations négatives suite à plusieurs entraînements et au surentraînement.

A priori, examinons les données de ses semaines d’entraînements affichées ci-dessous:

Au total, nous parlons de 39 jours d’entraînement sur une période totale de 42 jours.  Pendant cette période, un total de 61 séances d’entraînement ont été réalisées.  Étant donné la nature variée des activités, il est normal de constater des charges d’entraînement plus élevées que ce que j’ai pu retrouver avec les participants à mon projet de maîtrise.

Par la suite, dans les nombreux ouvrages concernant la quantification de la charge d’entraînement, il est suggéré d’utiliser une méthode d’alternance entre les journées à plus haute intensité ou charge d’entraînement et les journées avec une charge plus faible.  On parle ici d’une alternance «hard/easy» ayant pour but de garder la monotonie relativement basse comparativement à si l’on utilise des charges d’entraînement semblables à chaque jour.  La journée de type «hard» stimule et épuise l’organisme, tandis que la journée «easy» permet de mieux récupérer sans toutefois profiter d’un repos complet.

Dans le graphique ci-dessous, nous retrouvons toutes les charges d’entraînement réalisées au cours des 6 dernières semaines.  Nous constatons quand même des fluctuations quotidiennes au niveau des charges d’entraînement.  Une journée où la charge d’entraînement est plus élevée est généralement suivie d’une journée où la charge est plus faible.  Les pics de charge au cours des fin de semaine #1-3 représentent des heures de travail où l’athlète passait 8 heures à travailler comme aide alimentaire dans un hôpital; un travail exigeant où la fatigue après sa journée de travail est comparable à la fatigue qui suit un gros entraînement.  À cet égard, j’ai eu la chance de discuter avec François Gazanno qui me suggérait de prendre cette valeur en considération était donnée le côté physique du travail et que ce travail peut avoir un impact sur la performance en entraînement.

À partir du 24 mars, on remarque une augmentation importante de la charge d’entraînement comparativement aux 4 premières semaines d’entraînement.  Au cours des semaines #5-6, l’athlète était en entraînement en Arizona.  Les durées des entraînements étaient beaucoup plus longs que ce dont elle était habituée.  De plus, cette augmentation de la durée allait de paire avec une augmentation de l’intensité de l’activité sportive.  L’athlète a notamment atteint des pics de perception de l’effort (entre 7,5-10/10) lorsqu’elle devait grimper des côtes pendant des sorties de 60-90 kilomètres.

Habituellement, il est préférable de progressivement augmenter les charges d’entraînement lorsque l’on sait que nous allons entreprendre un stage d’entraînement où la fréquence, la durée et l’intensité des efforts seront plus grands que lors de l’entraînement régulier.  Comment l’athlète a-t-elle réagi?  Dans son dernier journal de bord, celle-ci note qu’elle est tombée malade cette semaine et elle sentait cela venir.  Foster (1998) soutient qu’un athlète court un risque accru de souffrir d’infections suite à une augmentation soudaine de la charge d’entraînement (84% de chance), de la monotonie (77%) et de la contrainte d’entraînement (89%).  Malgré le fait qu’il est important pour l’atteinte de la performance sportive de pouvoir supporter des charges d’entraînements de plus en plus grandes, il est primordial d’établir diverses stratégies qui limiteront cette hausse de la monotonie et de la contrainte d’entraînement (Foster, 1998).

De plus, il est important de prendre en considération les autres facteurs qui peuvent influencer le stress totale que subit l’athlète en question.  Nous parlons de facteurs externes comme le stress psychologique (examens scolaires, financiers, social, etc.) de même que le stress environnemental (froid ou chaleur extrême, altitude, etc.).  Nous pouvons même ajouter les habitudes alimentaires ainsi que les problèmes médicaux.  Tous ces facteurs doivent être pris en considération lorsque l’on analyse les données obtenues grâce à la méthode du Séance-RPE.  Par exemple, dans le cas de notre athlète, cette dernière a notamment fait état dans son journal de bord que la semaine #4 a été très pénible pour elle.  Elle avait des examens toute la semaine en plus d’avoir éprouvé des troubles du sommeil importants.  Elle n’a que peu ou pas dormi pendant 5 jours consécutifs.  Il faut ajouter à cela les préparations de son voyage d’un mois à l’extérieur du pays et le fait que le dimanche, elle a sauté sur son vélo pour la première fois en 7 mois.  On peut donc mieux comprendre cette hausse spectaculaire de la contrainte lors de la 5e semaine.  On ne parle certainement pas de surentraînement dans son cas, bien que le contexte représente certains facteurs de risques.  Il sera donc important de poursuivre le suivi sur une période de quelques semaines encore afin de suivre l’adaptation aux nouvelles charges d’entraînement.

En conclusion, la méthode de la Séance-RPE nous a permis de faire le suivi des charges d’entraînement au cours d’une période de 6 semaines chez une ex-athlète de haut niveau qui était en préparation pour un stage d’entraînement d’une durée d’un mois.  Les données nous permettent de constater une alternance «hard/easy day» qui est habituellement présente dans son entraînement de type plutôt général.  Le changement de mode d’entraînement, combiné avec la hausse rapide et important de la durée et de l’intensité des entraînements font grimper les charges d’entraînement, la monotonie et la contrainte.  Bien que la monotonie ne dépasse jamais le seuil critique théorique de 2.00 proposé dans un ouvrage d’Alexandre Dellal (2008), il est important de pouvoir établir un seuil critique personnalisé à l’athlète en question.  Il est également primordial de pouvoir combiner cette méthode subjective qu’est la Séance-RPE à des mesures objectives comme les TRIMPS, les tests de lactatémie ou avec l’aide du GPS.  Toutefois, il est encore plus important d’analyser les comportements et les réactions de l’athlète grâce à une communication efficace entre l’entraîneur et l’athlète ainsi que via le journal de bord et des questionnaires comme le DALDA ou le POMS pour ne nommer que ceux-là.

Sources:

Dellal, A. (2008). De l’entraînement à la performance en football – Partie B, Chapitre 1 : Contrôle et suivi de l’entraînement en football : Périodisation et charges d’entraînement. Édition de Boeck Supérieur. 512 pages.

Foster, C. (1998). Monitoring training in athletes with reference to overtraining syndrome. Medicine & Science in Sports & Exercise. 30(7):1164-1168.

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