L’entrainement polarisé : une approche intéressante pour les sports collectifs?

Il existe plusieurs modèles de planification de l’entrainement dans la littérature dans le domaine de la préparation physique. Dans un sport collectif comme le football canadien par exemple, il est fréquemment sous-entendu que pour performer à un niveau supérieur (la transition du collégial à universitaire à professionnel par exemple), un athlète doit être plus gros, plus fort et plus rapide.

 

Pour atteindre ces objectifs, les jeunes athlètes adhèrent à un rigoureux programme d’entrainement en salle de musculation. Haltérophilie, squat, soulevé de terre et développé couché sont des exercices incontournables d’un tel programme. Le jeune athlète débute par une phase de préparation générale sollicitant le développement de l’hypertrophie, ensuite de la force maximale et finalement de la puissance. Les charges soulevées deviennent de plus en plus importantes, ce qui représente un stimuli considérable sur divers systèmes organiques, dont le système musculaire et le système nerveux, entre autres. Ajoutez à cela les séances de développement de la vitesse, de l’agilité/changements de direction et les séances techniques ou tactiques et vous pouvez facilement vous retrouver à réaliser plusieurs séances d’entrainement à haute intensité dans une même semaine.

 

Or, lorsque l’on consulte différents ouvrages théoriques sur la planification de l’entrainement, il est avancé qu’un athlète ne peut soutenir plus de 2 ou 3 séances de haute intensité (terme que l’on devrait définir plus en détails pour être plus précis dans notre argument, j’en conviens!) dans une même semaine. Pour un athlète en sport collectif, un match représente une telle séance. Cela ne reste donc que 1-2 séances de haute intensité qu’il est possible de réaliser. Et qu’en est-il de la récupération suite à cette séance? Le format du calendrier des matchs peut-il limiter à ce point la mise en place de séances de haute intensité? Et si la réalisation d’une séance à haute intensité n’était pas si nécessaire que nous le croyons?

 

En athlétisme, le célèbre entraineur canadien Charlie Francis (1992) était un fervent utilisateur de l’approche dite « High/Low » qui consiste à alterner des séances d’entrainement à haute sollicitation neurale (pliométrie, sprint, haltérophilie, dynamophilie, etc.) avec des séances plus légères favorisant plutôt la récupération (tempo runs, circuit d’entrainement, etc.). Des entraineurs comme Al Vermeil, Derek Hansen, Buddy Morris ou Christopher Morris (2015), pour ne nommer que quelques professionnels du terrain, ont utilisé cette approche dans la préparation physique d’athlètes et d’équipes en sports collectifs. Dans la littérature scientifique, une telle approche est favorisée afin de limiter les risques de surentrainement associés à des charges d’entrainement qui manquent de variété (Foster, 1998). Cette approche « High/Low » ressemble à une approche populaire dans le domaine de l’entrainement en endurance : l’entrainement polarisé. Pour les athlètes adoptant cette approche, une grande majorité (75-90%) des entrainements est réalisé à un haut volume et faible intensité alors que le reste des séances (10-25%) est réalisé à haute intensité (HIT ou High Intensity Training) (Guellich, Seiler, & Emrich, 2009; Stöggl & Sperlich, 2015; Tnønessen et al., 2014). Une approche 80/20 quoi!

 

Cet entrainement polarisé peut-il être applicable dans l’entrainement des sports collectifs? En développement athlétique, les séances dites de haute intensité permettraient le développement des qualités physiques importantes comme la force, la puissance, la vitesse, etc. Les séances de faible intensité pourraient principalement servir à favoriser la récupération, développer ou maintenir la flexibilité/mobilité, renforcer certains groupes musculaires clés comme les différents muscles stabilisateurs, maintenir une capacité de travail sur le plan aérobie, entre autres. Qui plus est, il est important de garder en mémoire que l’entrainement d’un athlète en sport collectif inclut également les composantes techniques et tactiques. Est-ce qu’une telle approche permettrait à l’entraineur d’avoir à sa disposition des athlètes plus frais physiquement et donc plus aptes à réaliser de telles séances technico-tactiques? Doit-on davantage parler de qualité d’entrainement que d’intensité d’entrainement dans une certaine mesure? Doit-on aussi repenser l’entrainement traditionnel ciblant des qualités physiques ou biomotrices au profit d’un entrainement davantage axé sur l’apprentissage moteur?

 

La planification de l’entrainement demeure un exercice intellectuel très formateur. Ce n’est qu’une fois mise en application sur le terrain qu’il est possible de refléter sur sa forme et comment la manipuler en fonction des contraintes de son contexte.

 

Références:

Foster, C. (1998). Monitoring training in athletes with reference to overtraining syndrome. Med. Sci. Sports Exerc., 30(7), 1164–1168.

Francis, C. (1992). The Charlie Francis Training System. Charlie Francis Training System.

Guellich, A., Seiler, S., & Emrich, E. (2009). Training methods and intensity distribution of young world-class rowers. International Journal of Sports Physiology and Performance, 4(4), 448–460. Retrieved from http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20029096

Morris, C. W. (2015). The Effect of Fluid Periodization on Athletic Performance Outcomes in American Football Players. University of Kentucky.

Stöggl, T. L., & Sperlich, B. (2015). The training intensity distribution among well-trained and elite endurance athletes. Frontiers in Physiology, 6(October). http://doi.org/10.3389/fphys.2015.00295

Tnønessen, E., Sylta, Ø., Haugen, T. a., Hem, E., Svendsen, I. S., & Seiler, S. (2014). The road to gold: Training and peaking characteristics in the year prior to a gold medal endurance performance. PLoS ONE, 9(7), 15–17. http://doi.org/10.1371/journal.pone.0101796

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