L’utilisation de la pratique réflexive chez l’entraineur sportif

Dans plusieurs contextes sportifs, que cela soit avec des jeunes athlètes en développement ou avec des athlètes de niveau professionnel, la mise en place d’une planification d’entrainement qui tient en compte des facteurs physique, technique, tactique, psychologique et autres facteurs externes à leur contrôle représente un important défi (Lambert & Mujika, 2013).

 

Dans un souci de tenir compte ces facteurs et de leurs influences respectives sur le processus d’entrainement, il est recommandé de quantifier la performance sportive, autant à l’entrainement qu’en compétition. Pour certains auteurs (Halson, 2014; Hopkins, 1991), quantifier l’entrainement de mieux prescrire et faire le suivi de l’entrainement tout en tentant de réduire le risque de blessure et de surentrainement. Or, pour (Kiely, 2012) quantifier l’entrainement permettrait : (a) la mise sur pied d’un modèle conceptuel réflexif de la tâche de préparation à accomplir et (b) la gestion de nouvelles « informations émergentes » afin de diriger l’entrainement.

 

La démarche de programmation, de planification, de périodisation et de régulation de l’entrainement requiert de l’entraineur qu’il agence judicieusement différentes tâches et charges d’entrainement en fonction d’objectifs préétablis et aussi en réaction aux circonstances changeantes et évolutives qui caractérisent la réalité sportive. Pour se faire, l’entraineur sportif a accès à diverses approches et outils; notamment l’approche par observation qui comprend des mesures en temps réel (mode, durée, vitesse, résulats, GPS, etc.), l’approche physiologique (fréquence cardiaque, lactatémie, consommation maximale d’oxygène, etc.) et l’approche subjective (perception de l’effort, Séance-RPE, journaux d’entrainement, etc.)(Borresen & Lambert, 2009; Robson-Ansley, Gleeson, & Ansley, 2009). L’entraineur sera ainsi en mesure de recueillir des données à partir desquelles il pourra retirer de l’information pertinente et dotée d’un sens (ou sens qu’il devra donner par son interprétation des données recueillies) afin d’améliorer la performance sportive et la qualité de son encadrement envers un ou plusieurs athlètes (Lyle & Cushion, 2010).

 

Néanmoins, pour que l’intervention de l’entraineur soit jugée efficace, celui-ci doit continuellement refléter, s’adapter et innover sa pratique (Gallimore, Gilbert, & Nater, 2014). Pour se faire, il ne peut toutefois se fier qu’à ces connaissances théoriques, mais il doit être en mesure d’apprendre de ses expériences. Plus concrètement, il doit pouvoir mettre en application, refléter puis apprendre de ses expériences (Knowles, Borrie, & Telfer, 2005). La réflexion dans et sur l’action constituerait donc un moyen pour l’entraineur de rendre explicites ses connaissances en plus d’en découvrir des nouvelles lorsqu’il doit résoudre un problème spécifique à sa pratique ou ce que Gilbert (2017) décrit comme : « closing a performance gap » (p.307-308). La pratique des entraineurs dits d’élite ne repos donc plus uniquement sur des connaissances théoriques associées à des sujets comme la pédagogie, la physiologie ou autres, mais bien à l’utilisation appropriée des savoirs difficiles à articuler issus des expériences de ces entraineurs dans un contexte qui est dit complexe et dynamique (Knowles et al., 2005; Saury & Durand, 1998).

 

Définie comme un processus complexe et délibéré qui facilite l’examen de sa pratique par le questionnement de sa Personne (cognition, émotions, comportements, etc.) dans le contexte dans lequel il œuvre, la pratique réflexive est complexe, appliquée et contextualisée et requiert un certain degré d’introspection afin d’apprendre de sa pratique (Lyle, 2002). Il s’agit d’une activité quotidienne dont l’approche est structurée et a recours à des méthodes comme l’utilisation de journaux réflexifs, du rappel stimulé, de comptes rendus, de conversations réflexives et d’analyses d’incidents critiques (Lyle, 2002). Les enregistrements vidéo, les statistiques de match et les discussions avec les entraineurs-adjoints sont des exemples communs d’une pratique réflexive (Gilbert & Trudel, 2013). Pour combler le manque de temps de certains entraineurs, d’autres méthodes comme l’utilisation des cartes réflexives ou « reflective cards » (Ghaye, 2008; Gilbert, 2017; Hughes, Lee, & Chesterfield, 2009), l’utilisation de la vidéo (Carson, 2008; Trudel, Gilbert, & Tochon, 2001) ou la verbalisation à voix haute (Whitehead et al., 2016) peuvent être pertinentes à explorer.

 

Toutefois, plutôt que d’accumuler des connaissances déclaratives (savoir quoi faire) ou procédurales (savoir quand et comment le faire), Werthner & Trudel (2006) suggèrent que l’apprentissage de l’entraineur sportif doit être perçu non plus comme une accumulation de connaissances à travers le temps et les diverses expériences de l’entraineur, mais plutôt comme un vaste réseau d’idées, d’émotions et d’expériences associées entre elles qui résultent en une structure cognitive à un moment précis dans le temps. Cette réflexion peut à la fois être considérée comme une révision de son coaching et une projection de sa pratique dans le futur (Lee, Chesterfield, Shaw, & Ghaye, 2009).

 

L’utilisation de la pratique réflexive peut donc s’avérer une opportunité d’améliorer les connaissances et les apprentissages de l’entraineur sportif et d’en faire le suivi et l’évaluation (Lyle, 2002). Par le fait même, l’athlète, qui est un partenaire clé dans la relation entraineur-athlète-performance, bénéficie de cette réflexion.

 

Références :

 

Borresen, J., & Lambert, M. I. (2009). The quantification of training load, the training response and the effect on performance. Sports medicine (Auckland, N.Z.), 39(9), 779‑795.

Carson, F. (2008). Utilizing Video to Facilitate Reflective Practice : Developing Sports Coaches. International Journal of Sports Science & Coaching Volume, 3(3), 381‑391.

Gallimore, R., Gilbert, W., & Nater, S. (2014). Reflective practice and ongoing learning: a coach’s 10-year journey. Reflective Practice, 15(2), 268‑288.

Ghaye, T. (2008). Putting reflection at the heart of good practice: The user guide. Reflective Learning-UK.

Gilbert, W. (2017). Coaching Better Every Season : A Year-Round System for Athlete Development and Program Success. Windsor, Ontario: Human Kinetics.

Gilbert, W., & Trudel, P. (2013). The Role of Deliberate Practice in Becoming an Expert Coach : Part 3- Creating Optimal Settings. Olympic Coach Magazine, 24(2), 15‑28.

Halson, S. L. (2014). Monitoring Training Load to Understand Fatigue in Athletes. Sports Med, 1‑9. http://doi.org/10.1007/s40279-014-0253-z

Hopkins, W. G. (1991). Quantification of training in competitive sports. Sports Medicine, 12(3), 161‑183.

Hughes, C., Lee, S., & Chesterfield, G. (2009). Innovation in sports coaching: the implementation of reflective cards. Reflective Practice, 10(3), 367‑384.

Kiely, J. (2012). Periodization paradigms in the 21st century: Evidence-led or tradition-driven? International Journal of Sports Physiology and Performance, 7(3),

Knowles, Z., Borrie, A., & Telfer, H. (2005). Towards the reflective sports coach : issues of context , education and application. Ergonomics, 48(November), 1711‑1720.

Lambert, M. I., & Mujika, I. (2013). Overtraining prevention. Dans C. Hausswirth & I. Mujika (Éd.), Recovery for performance in sport (p. 23‑28). Champaign, Il: Human Kinetics.

Lee, S., Chesterfield, G., Shaw, D. J., & Ghaye, T. (2009). Exploring the potential of reflective learning in sport. Reflective Practice, 10(3), 285‑293.

Lyle, J. (2002). Sports coaching concepts : A framework for coaches’ behaviour. London: Routledge.

Lyle, J., & Cushion, C. (Éd.). (2010). Sports Coaching : Professionalisation and Practice. Toronto: Elsevier Ltd.

Robson-Ansley, P. J., Gleeson, M., & Ansley, L. (2009). Fatigue management in the preparation of Olympic athletes. Journal of sports sciences, 27(13), 1409‑1420.

Saury, J., & Durand, M. (1998). Practical knowledge in expert coaches: on-site study of coaching in sailing. Research quarterly for exercise and sport, 69(3), 254‑266.

Trudel, P., Gilbert, W., & Tochon, F. V. (2001). The Use of Video in the Semiotic Construction of Knowledge and Meaning in Sport Pedagogy. International Journal of Applied Semiotics, 2(1‑2), 89‑112.

Werthner, P., & Trudel, P. (2006). A New Theoretical Perspective for Understanding How Coaches Learn to Coach. The Sport Psychologist, 20, 198‑212.

Whitehead, A., Cropley, B., Miles, A., Tabo, H., Quayle, L., & Knowles, Z. (2016). ‘Think Aloud’: Towards a framework to facilitate reflective practice amongst rugby league coaches. International Sport Coaching Journal, 3(3), 269‑286.

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