Parlons spécialisation chez le jeune athlète en développement

Au cours des derniers mois, le sujet de la spécialisation hâtive ou précoce et l’atteinte de la performance sportive de haut niveau est un sujet d’actualité dans le domaine sportif.  Comme plusieurs d’entre vous, j’ai lu les derniers ouvrages de Malcolm Gladwell, David Epstein, Daniel Coyle et Rasmus Ankersen concernant la règle des 10 000 heures d’entraînement afin de devenir un expert, la «Deliberate Practice» et les îlots de talent ou «talent hotbed».

Il y a trois semaines, tout juste avant de quitter pour la conférence GAIN VII à Houston, je me suis commandé le livre The Gold Mine Effect: Crack the Secrets of High Performance de Rasmus Ankersen sous la recommandation d’un ancien professeur à l’Université de Sherbrooke.  Bien que j’ai bien aimé la lecture du livre et que j’y ai retenu des concepts intéressants, je ne pouvais qu’être en désaccord avec l’auteur sur de nombreux points voulant qu’il était nécessaire d’accumuler 10 000 heures d’entraînement pour compétitionner à un haut niveau de performance (voir les travaux de K. Anders Ericsson sur le sujet), que les parents devaient pousser leurs enfants à participer à un sport comme le tennis ou le golf de manière intensive et cela, à un très jeune âge, de la nécessité de structurer la vie et les pratiques du jeune athlète autour d’un seul objectif, devenir le meilleur au monde.  Je peux comprendre que pour certains, cette quête de la performance à tout prix est un échappatoire du milieu dans lequel ils vivent, que cela soit en Russie, au Brésil ou en Afrique de l’Est comme le rapporte l’auteur.

Toutefois, qu’en est-il des répercussions à long terme chez l’enfant?  Ce dernier saura-t-il gravir les échelons jusqu’à la plus haute marche du podium?  Souvent, les nombreuses blessures de surutilisation, l’ennui, la dépression, les conflits interpersonnels et éventuellement l’abandon du sport guettent les jeunes prodiges.  Un exemple flagrant est Andre Agassi, tel qu’il le mentionne dans son autobiographie.  Dès les premiers paragraphes du livre, il mentionne ouvertement ne jamais avoir aimé jouer au tennis.  Pourtant, il était un des meilleurs de son époque!  Mais, il a vécu dans un environnement similaire à certains rapportés dans le livre The Gold Mine Effect et il a souvent songé à abandonner son sport au cours de sa carrière…

Au niveau des habiletés motrices et des qualités physiques, on débutera rapidement un entraînement unidirectionnel axé sur le sport pratiqué.  Qu’en est-il de développer les compétences physiques de base comme courir, sauter, ramper, attraper, lancer, rouler, etc. via le jeu libre et non-structuré?  Qu’en est-il de s’initier à la pratique de plusieurs sports selon les saisons et expérimenter les bénéfices que tous ses sports ou activités sportives peuvent apporter?  À cet égard, je vous réfère au Modèle de Développement de la Participation Sportive (MDPS) et Jean Côté et collègues (2008) qui soutiennent qu’entre 6 et 12 ans, les jeunes devraient participer et s’initier à la pratique de plusieurs activités sportives axées sur le jeu.  Comme vous pouvez le constater sur l’image ci-dessous, ce n’est pas avant l’âge de 16 ans (selon le sport) qu’il serait souhaitable de s’engager ou s’investir dans un sport unique.  Ce modèle, selon ma compréhension et mes conclusions suite à la lecture du livre de Rasmus Ankersen, irait donc à l’encontre du phénomène répertorié dans les îlots de talent…

Sport Participation Development Model de Côté et al.

Bref, tel que je le mentionnais au début de ce court article, il y a néanmoins des points positifs qui ressortent de ces lectures, dont la nécessité de la pratique pour s’améliorer et se développer, que l’atteinte de la performance est un processus et qu’il faut beaucoup plus que le talent pur pour atteindre le sommet. Cette quête demande une volonté hors du commun, une éthique de travail remarquable, un entraîneur/enseignant compétent et dédié, un environnement sain, une famille qui offre du soutien, entre autres.  Je crois toutefois qu’il est risqué d’axer toutes ses énergies et ses ressources (financières, temps, etc.) dans l’unique but de permettre à son enfant de 4 ans de devenir le prochain (insérer nom d’un athlète prodigieux).  Ne vaut-il pas mieux attendre et mettre en place les opportunités pour que ce processus se produise plus naturellement, au rythme du développement de l’enfant?


Un article très intéressant du Washington Post sur le sujet sur le lien suivant.

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