Réflexions sur 7 ans de préparation physique en football collégial québécois

Mes débuts en tant que préparateur physique

Été 2009. Je me trouve sur le terrain de l’école secondaire Paul-Arseneau à L’Assomption et je profite du beau temps pour faire un peu de travail d’appuis, question de garder la forme maintenant que ma carrière de joueur de football universitaire est derrière moi. Au même moment se déroule un match de football de la ligue de printemps de Lanaudière. Je viens à peine de débuter ma séance qu’un homme s’approche et commence à me parler. Cet homme, Mathieu Joyal, avait été mon entraineur pour l’équipe des Cobras de Laval Élite il y a plusieurs années, en plus de jouer contre son équipe lors de ma dernière année Bantam avec les Dragons de Laurentides-Lanaudière. Je ne pouvais pas me douter que cette rencontre allait devenir le point de départ de ma jeune carrière de kinésiologue/préparateur physique.

À cette époque, Mathieu était l’entraineur-chef des Triades du Cégep régional de Lanaudière. Fondée en 2006, l’équipe a connu des débuts à l’image de bien des équipes d’expansion. Or, Mathieu m’a proposé après la saison 2009 si j’avais un intérêt à agir comme préparateur physique des Triades. J’ai accepté le poste sans aucune hésitation. Je commençais ma dernière année au baccalauréat en kinésiologie à l’Université et j’étais ravi de pouvoir mettre en pratique les connaissances acquises au cours de mon parcours universitaire. J’ai même pu réaliser mon dernier stage coop avec l’équipe au cours de l’été 2010.

À cette époque, j’étais influencé par de nombreux préparateurs physiques américains. J’étais encore très loin de maitriser les nombreuses nuances entourant la mise en place d’un programme d’entrainement en préparation physique. Alors, je copiais des éléments ici et là dans le but de créer un programme adapté à mon contexte. Après tout, l’équipe n’avait pas de salle de musculation au Cégep et était commanditée par une salle de musculation de la région. Nous tenions des séances de course sur le terrain de basketball du Cégep au cours de l’hiver pour ensuite aller sur la piste d’athlétisme suivi d’un entrainement musculaire en salle de musculation à raison de trois séances par semaine. Les séances débutaient toujours par un échauffement dynamique pour progresser vers quelques exercices de coordination avant de débuter le cœur de la séance d’entrainement. L’agencement des contenus d’entrainement n’a pas tant changé depuis. Les activités explosives comme la course et la pliométrie sont encore réalisées en début de séance, suivie par la musculation. Lors du travail musculaire, les exercices complexes et pluriarticulaires étaient également réalisés tôt dans la séance pour conclure avec des exercices supplémentaires.

Toutefois, beaucoup d’accent était mis sur le travail en salle de musculation. Plus jeune, j’ai toujours pratiqué des sports collectifs et le travail en salle de musculation m’a toujours aidé à atteindre mes objectifs. Je n’ai toutefois jamais été en contact avec des entraineurs d’athlétisme qui aurait pu me montrer comment courir. Alors, au cours des séances, j’étais en mesure de prescrire les exercices, mais pas vraiment en mesure de « coacher » l’exercice, d’enseigner la technique derrière les exercices visant à améliorer les qualités de vitesse. De plus, avec du recul, j’en suis venu à me demander si les programmes mis en place permettaient de aux joueurs de se préparer à répondre aux exigences du sport ?

XR Performance_muscu triades juin 2010

Aperçu du programme d’entrainement en juin 2010

Des améliorations certes, mais encore !

Au cours des années suivantes, je veux bien croire que le programme que je pouvais offrir aux joueurs s’améliorait. Je venais de terminer mon Bacc, mais je continuais de participer à des nombreuses formations au Québec et aux États-Unis, j’entamais mes études à la maîtrise en plus de travailler avec des joueurs de football au niveau universitaire. Encore beaucoup de travail était fait en salle de musculation avec une sélection variée d’exercices comme le squat, le soulevé de terre, le développé couché, la pliométrie, etc. Toutefois, quelques problèmes commencèrent à se pointer le bout du nez…

Le sport du football est un sport intermittent dont l’une des principales exigences du sport est de courir. Courir vite, courir souvent et courir longtemps parfois. Certaines années, avec l’équipe du Cégep, nous avons connu notre lot de périostites. Malheureusement, nous avons donc dû réagir une fois la problématique bien en place. Étirements des muscles des mollets, réduction du volume de course, intégration d’exercices de renforcement/proprioceptifs pour la cheville, entre autres. Bien que certains joueurs étaient plus disposés à souffrir de périostites, notre approche concernant notre entrainement de course a dû être repensée. Depuis les 3-4 dernières années, une séance par semaine est dédiée à de l’Entrainement intermittent très court (EITC) linéaire en format 10/10 au cours de l’été. Ces séances ont toujours lieu sur gazon, soit naturel ou synthétique, mais aucun travail au préalable n’était fait entre nos blocs de préparation d’hiver et notre transition vers l’entrainement estival. Les joueurs couraient donc des sprints courts ou des intervalles sur tapis roulant au gym pour ensuite prendre part au camp d’entrainement sur une durée intensive de trois jours pour ensuite, une semaine plus tard, débuter l’entrainement estival. J’ai donc introduit un mésocycle de course en tempo avant de débuter les EITC 10/10. Cette introduction plus en douceur semble rapporter ses fruits depuis ce temps.

Une des difficultés majeures de notre programme de préparation physique, tel que mentionné précédemment, est liée à notre impossibilité de superviser tous les joueurs en entrainement en musculation. Comme les joueurs sont issus d’un grand territoire qui couvre les villes de Terrebonne, Repentigny, Joliette et plus loin encore, certains décident de s’entrainer à proximité de leur Cégep ou de leur résidence. Cela fait donc en sorte que j’ai rarement la chance de superviser l’équipe en salle. Mon erreur fut donc de tenir pour acquis que l’exécution de certains exercices était maitrisée et de passer à des méthodes d’entrainement plus avancées. Des lacunes au niveau de l’endurance du gainage abdominal dans différentes positions, des lacunes en termes de force des membres supérieurs à certaines positions, au niveau du contrôle de l’articulation du genou lorsque des exercices unilatéraux sont prescrits sont quelques-unes des observations que j’ai pu faire. Depuis bientôt 2 ans, au lieu de progresser l’entrainement, j’ai donc une approche qui tend à m’assurer que les mouvements fondamentaux sont acquis, quitte à proposer une progression plus lente dans des mouvements comme le Single-leg Squat (SLS) ou les poussées horizontales, par exemple. Pour prendre le SLS en exemple, nous avons commencé en plaçant un banc derrière les joueurs comme référence au niveau de la profondeur à atteindre. Le tempo est plus lent (4010) et moins de répétitions sont demandées. Par la suite, une ou deux séries sont réalisées sans le banc lors du mésocycle suivant pour finalement, après 3-4 mésocycles, permettre la réalisation du mouvement à partir d’un caisson dans une amplitude où les joueurs sont en mesure de contrôler l’alignement segmentaire du genou. Pour ce qui est du mouvement de poussée horizontale, ce mouvement est très important pour les joueurs de ligne, entre autres. Or, il était courant que des joueurs comme les demis défensifs ou les receveurs présentent de meilleures performances à cet exercice comparativement aux joueurs de lignes. Donc, au début de l’entrainement hors-saison, beaucoup de variations de push-ups et de gainage ont été introduites à l’entrainement des joueurs de cette position cruciale dans une équipe de football.

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Aperçu du programme d’entrainement pour juin 2016

L’évolution du programme d’entrainement

Tel que je vous le mentionnais, les programmes d’entrainement que j’ai rédigés à mes débuts étaient centrés sur les exercices traditionnels que sont le squat, le soulevé de terre, le bench press et les chin-ups. Au cours des années, mon approche est devenue de plus en plus dynamique avec l’intégration d’exercices comme les sauts, des accélérations, des lancers avec ballon médicinal, etc. Rien de nouveau dans le domaine de l’entrainement vous me direz et je suis bien d’accord avec vous. Toutefois, au Québec comme ailleurs, le sport du football est maintenant caractérisé par la vitesse et une exécution rapide des stratégies de jeu. Les exigences du sport ont changé pour passer principalement de « plus gros, plus fort, plus vite » à « plus vite, plus endurant et plus résilient ». Les joueurs doivent courir plus vite, se déplacer plus rapidement, être en mesure de soutenir 4 quarts de jeu et prendre part à 3 séances d’entrainement par semaine en plus d’un match et cela, pour une période intensive de près de 3 mois. Pour moi, le contenu d’entrainement est donc maintenant plus axé sur le qualitatif (Qualité de l’entrainement) que sur la quantité ou le volume. De plus, je tends à intégrer les différentes qualités physiques et actions à réaliser dans le sport plutôt que de les séparer. De cette manière, je souhaite proposer un contenu qui vise à faire le pont entre la préparation physique et ce qui est exigé dans la pratique du sport. On peut parler de préparation physique intégrée ou orientée si vous voulez.

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Exemple d’un contenu d’entrainement en course intégrant les différentes phases d’un sprint

Aussi, je tends à laisser beaucoup plus de flexibilité quant à la sélection des exercices ou des méthodes d’entrainement. Suite à de nombreuses discussions avec mon collègue Nick Hill (directeur du rugby à The Grange School au Chili) et de nombreuses lectures dans le domaine de l’éducation et du coaching, je désire proposer un programme d’entrainement qui est basé sur divers principes d’entrainement plutôt que sur des méthodes. Ainsi, en utilisant une approche davantage centrée sur l’athlète (Athlete-Centered Coaching), il est possible pour moi de prendre un pas de recul dans la conception du programme et de plutôt guider l’athlète dans la conception d’un programme qui répond à ses caractéristiques individuelles (historique de blessures, position spécifique, intérêts, etc.). Par exemple, si je propose une séance orientée sur le développement de la puissance musculaire, j’ai à ma disposition plusieurs méthodes (pliométrie, haltérophilie, méthode complexe, méthode par contraste, entrainement balistique) que je peux utiliser et proposer à l’athlète selon son niveau de compétence, son historique de blessure, etc.

Éventuellement, je souhaite explorer sur le plan pratique comment certains concepts émanant de l’éducation, du coaching, du contrôle moteur et de l’apprentissage moteur peuvent venir se greffer à ma programmation. J’ai beaucoup lu dernièrement sur ces sujets, mais il reste qu’il faut expérimenter, commettre des erreurs, apprendre de ces erreurs et rectifier le tir. Ce voyage dans le domaine de la préparation physique n’est qu’un début et il est toujours très motivant d’explorer, de peaufiner et de réfléchir à propos de notre pratique.

 

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