Seconde édition de la table ronde sur l’entraînement à la performance

Je suis extrêmement content de vous présenter la seconde édition de la table ronde sur l’entraînement à la performance.  La première édition est parue en février dernier et celle-ci s’est avérée un franc succès.  J’ai donc cru bon de répéter l’exercice en compagnie de mes trois collègues que sont Xavier Barbier de Performance Athlétique (France), Simon Deschênes de Simer Performance (Québec) et David Lasnier de Endeavour Performance (États-Unis).  Sans plus tarder, entrons dans le vif du, ou devrais-je plutôt dire des sujets!

La première question s’adresse à Xavier Barbier.

XRP: Dans l’optique d’une préparation sportive optimale, il faut souvent aller beaucoup plus loin que de simplement appliquer les principes d’entraînement et coacher les exercices principaux tels que le squat, le soulevé de terre et autres. Tu soulignes dans un article apparue sur ton blogue, tout comme David dans le sien d’ailleurs, que l’alignement du cou et de la nuque est également primordial. En quoi cette attention aux détails peut aider les participants à améliorer leurs gains et/ou prévenir les blessures?

XB: Tout d’abord, merci Xavier de renouveler ce principe de table ronde sur l’entrainement à la performance. La première édition était pleine de bons contenus.

Pour répondre à ta question, je dirais que l’on sait que la force musculaire est en quelque sorte le socle des autres qualités physiques. L’amélioration du niveau de force va avoir des conséquences sportives sur la vitesse et l’explosivité, c’est bien intégré à présent par les sportifs qui s’entrainent de plus en plus dans ce domaine. Mais également sur l’endurance/résistance par l’optimisation du coût énergétique de la locomotion.

Cependant, il est souvent oublié que l’expression optimale de ces qualités physiques repose sur un fonctionnement et une posture corrects du corps. La pratique sportive intensive, notre mode de vie ainsi que notre activité quotidienne ont tendance à provoquer des déséquilibres musculaires. Ceux-ci modifient notre posture, notre amplitude de mouvement et peuvent mettre à mal certains tissus conjonctifs. Ils provoquent donc des « dysfonctionnements » de notre corps. Au final, ils ne permettent pas d’exprimer au mieux les gains en force sans oublier les risques de blessures. Ne pas prendre en compte ce processus, c’est comme si l’on construisait une maison sur des fondations instables. Tôt ou tard, il risque d’y avoir de sérieuses conséquences. Certaines articulations sont plus concernées que d’autres : cheville, hanche, épaules, nuque…

XRP: En lien avec les propos tenus par Xavier, Simon, peux-tu élaborer sur quelques mauvaises postures ou »dysfonctionnements » de notre corps et comment ceux-ci limitent notre vie au quotidien ou l’expression de nos habiletés sportives?

SD: Tout d’abord, merci de relancer de nouveau cette table ronde avec Xavier et David.

Pour répondre à ta question, parlons d’abord simplement de la posture au quotidien.  Nous remarquerons souvent des fléchisseurs de la hanche trop tendus suite à la position assise prolongée.  Cela peut amener une antéversion du bassin qui, à la longue, imposera un stress énorme sur la région lombaire.  Certains problèmes au niveau du nerf sciatique peuvent être liés à cette condition.  Coté performance, ce problème est tout aussi présent compte tenu de cette position assise prolongée.  Si le bassin est pris en antéversion à cause de muscles trop tendus tels le psoas, l’iliaque, le droit fémoral, ainsi que certains muscles lombaires, les antagonistes en position raccourcie offriront une résistance lorsque nous aurons besoin d’une rétroversion du bassin afin d’exécuter un mouvement.  En raison de cette surcharge de travail, les muscles antagonistes seront plus susceptibles aux blessures.

L’enroulement de l’épaule est un autre dysfonctionnement ultra présent dans notre société.  Il faut dire qu’avec la tendance de n’entraîner que les muscles miroirs, cela n’aide pas la cause.  Encore une fois, certaines activités quotidiennes telles que la rédaction à l’ordinateur peuvent mener à une telle dysfonction.  Ce problème est lié entre autres au fait que les muscles pectoraux se retrouvent en position raccourcie beaucoup trop souvent et que le travail des muscles du dos est généralement négligé.  Dans les diverses activités sportives, beaucoup de mouvements demandent une poussée vers l’avant ou une fermeture au niveau de la cage thoracique.  Il est donc plus courant de voir ce type de dysfonction survenir dans une population athlétique.  Il en vient donc au préparateur physique ou entraîneur de concevoir des programmes en fonction de ses problèmes afin de corriger les effets négatifs que ce problème peut amener sur l’expression et/ou exécution du geste sportif concerné.  Aux niveaux des limitations, nous retrouverons une mauvaise synergie au niveau des mouvements de la chaine scapulaire.  Une simple rétraction demandera un effort considérable et ne sera peut-être pas accomplie complètement.  De plus, l’espace dans la capsule de l’épaule pouvant être limité, un mauvais alignement des différentes composantes peut facilement mener à un syndrome d’accrochage ou même au coincement d’un nerf.

Les genoux en valgus sont un autre problème fréquent qui comportent leurs lots de limitations et qui peuvent mener à de sérieuses blessures.  Les genoux en valgus auront aussi un effet au niveau de la cheville ainsi qu’à la hanche.  Il faut comprendre que lorsque l’on regarde une dysfonction au niveau des membres inférieurs, il nous faut regarder l’ensemble des articulations afin de trouver la source du problème.  Si une seule de ces articulations est affectée par un problème, les chances sont grandes que cela soit occasionné par un autre problème situé au-dessus ou en-dessus que l’articulation problématique (note de XRP : cette théorie s’appelle le joint-by-joint approach).  Les genoux en valgus peuvent être causés par des adducteurs trop tendus ou une rotation interne du fémur. Cela peut mener à un syndrome fémoro-patellaire, a des problèmes de ménisque, de ligaments et même à des problèmes d’origine osseuse. Cependant, dans le cas de genoux en valgus, il faut être conscient que le problème peut être génétique; dans ce cas, les solutions sont beaucoup moins évidentes.

Les périostites sont un autre problème courant de nos jours.  Encore là, Les causes de ce maux sont multiples et pas toujours faciles à identifier.  En voici quelques-unes : mécanique de course déficiente, difficulté à amortir les impacts, course sur surface dure, volume de course trop élevé, problèmes posturaux, type de souliers (état d’usure, sont-il appropriés à la tâche?), problèmes du complexe cheville-pied.  Le problème peut aussi bien être musculaire que structural : pied en pronation ou pied plat, problèmes au niveau des hanches, fémur en rotation externe (les orteils vont naturellement pointer vers l’extérieur ce qui fait que, lorsque l’athlète court, ce dernier doit compenser afin de corriger la rotation du fémur).  L’athlète souffrant d’une périostite aura de la douleur sur le devant du tibia, ce qui nuira globalement à sa performance sur le terrain. (note de XRP : voir l’article de Simon sur la périostite ici)

Bref, des dysfonctions, il y en a beaucoup.  Celles présentées ci-haut sont parmi les plus fréquentes selon moi.  Il est certain que l’équation n’est jamais simple lorsqu’il y a apparition de douleur.  Le corps humain étant ce qu’il est, la source de la douleur n’est ne veut pas nécessairement dire que voilà la source du problème.  Voilà donc pourquoi cela peut prendre un certain temps et quelques tentatives infructueuses avant de  trouver la bonne équation dans la résolution du problème.

XRP: Simon a fait l’énumération de bien des problèmes qui peuvent être associés à une mauvaise posture ou une posture que l’on adopte de façon prolongée.  David, quelles stratégies pourrions-nous adopter afin de rétablir la santé de la hanche et de l’épaule.  Tu mentionnais dernièrement sur ton blogue que le simple fait d’étirer un muscle tendu peut ne pas avoir les effets espérés.  Peux-tu nous en dire plus?

DL: Tout comme mes collègues l’ont fait avant moi, je te remercie pour l’invitation a cette nouvelle table ronde.

Simon a effectivement touché un très bon point avec les problèmes auxquelles il a fait référence, mais aussi leurs origines. Quand on cherche à corriger un problème, il est primordial de savoir d’où provient le problème. Dans le cas contraire, on risque de faire face à une récurrence du problème à maintes reprises.

Dans la même optique, simplement étirer un muscle tendu ne suffira pas a corriger un problème. Si le corps retourne constamment à sa « mauvaise » posture initiale ou à son patron moteur déficient ou sous-optimal le muscle va recréer cette même tension. Et là ce n’est que le début de la guerre entre les étirements et le muscles qui ne veut pas relâcher sa tension (ou qui va relâcher la tension temporaire). Comme je l’ai mentionné plus haut, il faut identifier le patron moteur fautif ou la cause de la mauvaise posture pour éventuellement corriger le problème. Aussi à prendre en considération: l’optimisation de patrons moteurs dit « optimaux » devraient toujours être prioritaire. Personnellement je ne fais pas un énorme plat avec un athlète qui bouge correctement, mais qui n’a pas une posture optimale. Posture dynamique avant posture statique. Mais je m’éloigne un peu du sujet…

Il est important de comprendre qu’il est normal, voir nécessaire de retrouver une certaine tension autour de chaque articulation; il faut juste que cette tension soit bien répartie. Généralement lorsque l’on fait fasse à un muscle en particulier qui est trop tendue, on peut s’attendre à un muscle synergiste qui fait pas son travail.

Quelques exemples:

– Un droit fémoral trop tendu peut être causé par un psoas faible en flexion de la hanche
– Un trapèze supérieur trop tendu peut être causé par un trapèze inférieur et/ou un grand dentelé faible

La liste peut être longue. C’est pourquoi il est important de comprendre le fonctionnement du corps et des patrons moteurs optimaux.

XRP: Merci David! On change complètement de sujet pour parler de spécialisation hâtive. Nous sommes en plein été et je vois bon nombre de jeunes jouer au hockey et suivre des cours de patin sur surface artificielle et tapis de patinage. Quels sont les effets négatifs, à court et à long terme, de poursuivre une préparation physique spécifique à un sport tout au long de l’année?

XB: C’est vrai que c’est une tendance à la hausse dans tous les sports. Si la participation à des camps ponctuels peut être une bonne chose, je serais plutôt réservé quand à la pratique du même sport douze mois sur douze.

Je comprends bien la source de cette motivation, mais le premier aspect est que le corps a besoin d’une période pendant laquelle les charges d’entrainement sont plus faibles pour se régénérer. Encore plus chez les jeunes, car nous retombons toujours sur notre problématique de «sur-utilisation» de certains muscles ou articulations.

J’aime beaucoup «l’analogie du seau» dont David a déjà parlé sur son blog pour illustrer la sur-utilisation et le seuil de blessure. Chaque mauvais mouvement ou posture ajoute une goutte dans le seau. Chaque mouvement traumatisant, comme le patinage pour les hanches ou le lancé au baseball et au football pour l’épaule, ajoute également une goutte dans le seau. Lorsque celui-ci est plein, c’est que le sportif a atteint le seuil de la blessure. On comprend mieux alors l’importance d’éviter une spécialisation précoce trop hâtive. Le problème n’est pas visible sur l’instant, mais c’est comme cela que beaucoup de jeunes joueurs finissent avec des blessures. Blessures qu’ils traînent ensuite pendant des mois voir des années, par l’accumulation.

L’inter-saison doit tout d’abord être le moment de rééquilibrer la posture, corriger les patrons moteurs qui auraient pu être modifiés par la pratique intensive pendant la saison. Le développement des qualités physiques pour la compétition arrive dans un second temps.

Enfin, il ne faut pas perdre l’intérêt de l’inter-saison sur le plan motivationnel. C’est bon de faire une coupure pour retrouver son sport à la reprise avec plaisir. Il ne faut pas que la pratique d’un sport soit vécue comme une obligation.

XRP: En réponse aux dires de Xavier, Simon, comment est-ce que l’on pourrait concevoir une planification annuelle d’entraînement qui respecterait ce besoin de repos et de diversité dans l’entraînement d’un jeune? En d’autres mots, comment serait construite ta planification d’entraînement pour aider un athlète à mieux se développer?

SD: Il faut comprendre ici que c’est très subjectif d’un sport à l’autre et d’un individu à l’autre. Généralement je débute la saison morte par une période de transition de 3 à 6 semaines dépendant des besoins des athlètes. Certains auront besoin de plus de temps et d’autre moins en terme de régénération. Ensuite une préparation de style générale encore la le terme est vague. Suite à une rencontre avec Raymond Veillette selon lui il est plus approprié d’utiliser le terme préparation générale spécifique. C’est dans cette période que je travaille sur l’hypertrophie fonctionnelle et j’apporte une grande importante à la balance structurale. Je passe ensuite à la préparation spécifique spécifique (encore une fois terme suggéré par Raymond Veillette). L’emphase sera donc sur la force maximale allant vers la force vitesse. Tous les moyens sont bons pour travailler les qualités il ne suffit que d’avoir un plan de match. Généralement avec de jeunes athlètes et même les plus vieux qui n’ont aucune base sérieuse en entrainement je débute toujours par du bodyweight training afin que ceux-ci développent une force fonctionnelle qui sera fort utile plus ils progresseront.

Chez de jeunes athlètes, des mésocyles de 3 semaines sont selon moi appropriés. Cela permet de varier grandement l’entraînement. La première semaine permettant une adaptation la seconde un léger peak de volume ou intensité dépendant des objectifs et finalement la 3e semaine une deload. Cela permet donc une bonne surcharge tout en permettant un niveau de repos adéquat. Personnellement mes périodisations sont hybrides, on y retrouvera dans la même année des phases conjuguées ainsi que des blocs. Je ne favorise pas particulièrement l’une ou l’autre les deux ont des avantages et dépende vraiment de l’optique dans laquelle je veux envoyer le client.

Avec un jeune qui en est à ses débuts cependant je trouve qu’une périodisation de type bloc permet une concentration optimale de l’athlète sur la tâche à accomplir. Plus ce dernier progressera plus on pourra envisager une méthode conjuguée.

XRP: Finalement, après avoir établi les bases sur lesquelles nous allons bâtir nos séances d’entraînement, quels sont les principaux éléments à inclure selon toi David lors d’une séance d’entraînement pour un jeune athlète et quels sont les pièges ou pratiques courantes à éviter?

DL: Il y a plusieurs facteurs à considérer tels que: âge de/des athlètes, sport pratiqué, expérience d’entraînement, équipement disponible et grosseur du groupe. De façon générale, avec de jeunes athlètes, l’important est l’emphase sur les mouvements pluri-articulaires de base. L’objectif numéro 1, avant d’augmenter la vitesse ou la force ou peu importe sur quoi on voudrait travailler, est de mettre l’emphase sur la qualité du mouvement; on veut enseigner aux jeunes à bouger de la bonne façon, c’est-à-dire garder le dos droit, fléchir au niveau des hanches, rétraction des omoplates, etc. C’est la fondation de tout programme d’entraînement et de cette façon, on s’assure que les jeunes optimisent la façon dont ils bougent et le recrutement des muscles essentiels lors de la pratique d’activités. C’est un processus qui peut s’avérer long et prendre du temps, mais c’est ce qui va être le plus payant dans leur développement à long terme en tant qu’athlète.

Une chose qui est bien importante d’éviter est de tomber dans le piège de juste essayer de « brûler » les jeunes lors d’un entraînement. Trop de parents basent leur jugement de l’efficacité d’un entraînement sur le niveau de fatigue à la fin de la séance. Avec des jeunes, il faut pratiquement faire exactement le contraire, puisque dès que la fatigue s’installe, on perd l’efficacité du mouvement. Et avant d’être capable de contrôler sa technique avec des mouvements complexes en présence de fatigue, ça prend beaucoup de temps et une très bonne base d’entraînement, ce que les jeunes ne possèdent pas.

XRP: Merci à tous les trois pour cette deuxième édition de la table ronde sur l’entraînement à la performance!  Le contenu est super intéressant et j’espère que nos lecteurs apprécient votre participation, sans quoi cette table ronde ne serait rien.  Surveillez notre prochain rendez-vous pour une troisième édition!

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