La réalité actuelle des athlètes en sports collectifs fait en sorte que le temps disponible pour se préparer, que cela soit sur le plan physique, technique, tactique ou même psychologique, en prévision d’une saison de compétition est désormais de plus en plus court. Au niveau professionnel par exemple, la saison de compétition dans certains sports s’étend maintenant sur plus de 35 semaines si bien que la période de l’entre-saison est maintenant quasi inexistante si l’on prend en considération les différentes obligations de ces athlètes avec les équipes nationales par exemple. Au niveau amateur, il est courant de voir des athlètes enchainer les saisons extérieures et intérieures dans un sport comme le soccer ou le hockey sur glace, avec comme conséquence que les opportunités de récupérer et de développer les diverses qualités physiques ou habiletés sportives se font rares.
Au football universitaire canadien, la réalité est quelque peu différente. La saison de compétition se déroule à l’automne avec 2 semaines de pré-saison, 9 semaines de saison régulière et jusqu’à 4 semaines de séries éliminatoires pour les deux équipes qui se rendent jusqu’au championnat national. Ensuite, pour une période approximative de 8 ou 9 mois, il est possible pour ces étudiants-athlètes de mettre l’accent sur leur préparation en vue de la prochaine saison de compétition.
Lorsque vient le temps de planifier le travail sur plusieurs plans (physique, technique, tactique et psychologique) à accomplir pour se préparer à un tel calendrier intensif, les entraineurs et spécialistes qui gravitent autour de l’équipe s’adonne à la mise en place d’une planification annuelle d’entrainement. Si l’on peut résumer sommairement la périodisation de l’entrainement, cela consiste à diviser en de plus petites unités de temps le travail à accomplir afin d’atteindre les objectifs de performance que l’on se fixe. Généralement, ces modèles classiques suggèrent la réalisation d’un haut volume d’entrainement dit général à faible intensité pour progresser vers des activités d’entrainement de plus en plus spécifiques au sport pratiqué et d’une plus grande intensité à moindre volume. Toutefois, dans les sports collectifs, ce type de périodisation est plus difficilement applicable compte tenu de la rigueur et du format du calendrier de compétition. Dans certains sports, il est désormais impossible de penser atteindre un pic de performance à la fin de la saison, puisque les résultats hebdomadaires sont cruciaux dans le succès et le parcours de l’équipe. Ainsi, l’équipe doit être en mesure de performer à une ou plusieurs reprises à l’intérieur d’une semaine de 7 jours. Pour cela, il est préférable de privilégier une approche plus flexible. Par exemple, en utilisant une approche qui permet la régulation de l’entrainement au quotidien, définie par Michel Portmans comme « l’adaptation pragmatique à la situation du moment » (dans Krantz & Dartnell, 2008 ; p.69), l’entraineur, en étant à l’écoute de l’athlète, peut mieux gérer un ensemble de facteurs affectifs, cognitifs et énergétiques interagissant entre eux de manière dynamique dans le contexte actuel où se déroule l’entrainement.
À cet égard, l’implantation d’une périodisation dite tactique est intéressante, autant pour les entraineurs que pour les spécialistes qui gravitent autour d’une équipe sportive (préparateur physique, thérapeute, etc.). Ce modèle de périodisation proposé par Vitor Frade (Connolly & White, 2017; Delgado-Bordonau & Mendez-Villanueva, 2012; Oliveira, 2014; Smith, 2017). Sans entrer dans les détails de ce modèle, celui-ci propose l’identification de thématiques d’entrainement pour les différents jours qui composent la semaine de préparation entre deux matchs. Par exemple, Connolly & White (2017) proposent de diviser la semaine de préparation comme suit : (1) « individual correction & recovery », (2) « Acquisition of learning experiences » et (3) « rehearsal of patterns ». Pour utiliser un langage plus commun, on peut parler de (1) récupération, (2) entrainement et (3) mini-affûtage. Ainsi, il est plus facile d’aligner les différentes activités d’entrainement en fonction des objectifs globaux de chaque séance tout en permettant un équilibre entre une récupération adéquate suite au match précédent et une préparation optimale en vue du prochain match.
Comment cela se traduit-il concrètement sur le terrain ?
Présentement, le format d’une semaine de compétition avec une équipe de football universitaire dépend d’abord et avant tout du calendrier de compétition. Par exemple, les thématiques de séances d’entrainement seront différentes si l’équipe dispose de seulement 5-6 jours de préparation entre deux matchs comparativement à si les matchs les matchs ont lieu à chaque samedi. Le contenu des séances en préparation physique sera également différent pour s’adapter à la réalité des matchs et des séances d’entrainement. Toutefois, en m’inspirant des écrits et propositions de certains auteurs (Allerheiligen, 2003; Yule, 2014), il est possible d’orienter le contenu des séances en préparation physique pour que celles-ci cadrent avec le modèle tactique mis en place par le groupe d’entraineurs. Par exemple, la première séance en préparation physique de la semaine est habituellement réalisée le mardi, soit 3 jours après le match (J+3) et comprend deux tri-séries composées d’exercice pluri-articulaires. Ensuite, environ 24-48 heures avant le match, les joueurs réalisent une courte séance d’entrainement en salle qui vise la potentiation du système nerveux en vue du prochain match. Les joueurs sont avisés et éduqués quant à l’objectif de cette séance afin que l’on évite de soulever des charges trop lourdes et causer une fatigue importante. Le tableau ci-dessous présente de manière globale le contenu des deux séances.
Séance #1 | Séance #2 |
Préparation à la séance (échauffement) Tri-série #1 1A. Membres inférieurs (Double-leg) 1B. Membres supérieurs (Poussée ou tirade) 1C. Movement-Based Strength (MSB) Tri-série #2 2A. Membres inférieurs (Single-leg) 2B. Membres supérieurs (Tirade ou Poussée) 2C. MSB Reset/Intégration | Préparation à la séance (Échauffement) Tri-série #1 1A. Exercice en force (Squat, Bench press ou Tirade lourde) 1B. Exercice en vitesse (Exercice balistique, pliométrie, sprints/Agilité) 1C. Habileté motrice spécifique (Sprint, Réception de saut, MB throws, activité spécifique au sport avec résistance) Reset/Intégration |
Au cours de la saison de compétition, ces séances sont répétées à chaque semaine, mais le nombre de répétitions pour chaque exercice est modifié selon 3 blocs d’entrainement. Au cours du premier bloc d’entrainement qui débute avec le camp d’entrainement pré-saison, le nombre de répétitions qui est privilégié est de 6-10 répétitions, surtout en ce qui a trait à la séance #1. Le nombre de répétitions de la seconde séance sera relativement similaire pour chaque bloc d’entrainement et pour la durée de l’entrainement pendant la saison de compétition. Ce premier bloc d’entrainement intitulé « Prepare » permet aux joueurs de s’entrainer davantage en hypertrophie en sachant que les exigences élevées d’un camp pré-saison limiteront l’énergie disponible pour les séances en salle de musculation et donc l’intensité des exercices. Ensuite, le second bloc d’entrainement « Advance » consiste à réduire le nombre de répétitions afin de favoriser les gains ou le maintien des gains en force. Pour se faire, le nombre de répétitions pour certains exercices qui permettent de soulever davantage de poids si situe autour de 3-5 répétitions. Finalement, le dernier programme « Conquer » met l’accent sur la puissance musculaire en réalisant principalement des exercices de manière rapide et explosive avec très peu de répétitions et des temps de repos un peu plus long (environ 2 minutes).
Finalement, il est bien évident qu’un tel plan puisse subir de nombreux changements en fonction notamment des besoins du moments (changement dans les séances d’entrainement, besoin accru de récupération, blessures, etc.). Néanmoins, l’établissement d’un plan avant le début de la période de compétition est essentiel pour que les athlètes puissent maintenir ou poursuivre le développement les qualités nécessaires à la performance sportive, autant sur le plan individuel que collectif.
Références :
Allerheiligen, B. (2003). In-Season Strength Training for Power Athletes. Strength and Conditioning Journal, 25(3), 23‑28.
Connolly, F., & White, P. (2017). Game changer : The art of sports science. Victory Belt Publishing Inc.
Delgado-Bordonau, J. L., & Mendez-Villanueva, A. (2012). Tactical Periodization: Mourinho’s best-kept secret? Soccer Journal, (May/June), 29‑34.
Krantz, N., & Dartnell, L. (2008). Les experts en questions: Savoirs professionnels en matière d’entrainement (2 ième). Paris, France: INSEP – Publications.
Oliveira, R. (2014). Tactical Periodization : The secrets of soccer most effective training methodology.
Smith, R. (2017). Cybernetics, Cesarean Sections and Soccer’s Most Magnificent Mind. New York Times, p. 1‑8. Consulté à l’adresse https://mobile.nytimes.com/2017/04/26/sports/soccer/cybernetics-cesarean-sections-and-soccers-most-magnificent-mind.html
Yule, S. (2014). Maintaining an in-season conditioning edge. Dans D. Joyce & D. Lewindon (Éd.), High-Performance Training for Sports (p. 301‑318). Windsor, Ontario: Human Kinetics.