« Survival of the fittest » ou «Minimum Effective Dose » ? Pourquoi il serait pertinent de repenser le camp d’entrainement présaison en football universitaire

Le calendrier de compétition en football universitaire canadien ou américain est unique comparativement à d’autres sports collectifs. En effet, la saison de compétition dans ce sport est concentrée à l’automne sur une courte période d’environ 15 semaines incluant la présaison de 2-3 semaines, alors que des sports comme le rugby et le football australien peuvent bénéficier d’une présaison de près de 2-3 mois. En tenant compte des différents règlements instaurés par les ligues concernant la participation à des activités d’entrainement supervisées par les entraineurs au cours de la période estivale, cela fait en sorte que la période de présaison présente souvent une augmentation importante de la charge d’entrainement par rapport à ce qui a été réalisé pendant l’été en préparation physique.

DEUX PRINCIPES D’ENTRAINEMENT FONDAMENTAUX

Dans le domaine des sciences de l’activité physique, il existe plusieurs principes qui guident le processus d’entrainement mis en place par l’entraineur sportif, le préparateur physique ou le thérapeute sportif travaillant avec des joueurs en reconditionnement. Deux de ces principes sont (a) le principe de surcharge et (b) le principe de progression. Le principe de surcharge stipule que l’entrainement réalisé doit provoquer une diminution temporaire du niveau fonctionnel de l’organisme (fatigue) afin de solliciter des adaptations à court et long terme. Cette surcharge doit ensuite être « périodisée » ou être respectivement élevée et ajustée de façon progressive et rationnelle dans le temps pour permettre à l’athlète de se développer en fonction des objectifs d’entrainement à atteindre et selon les exigences de son sport.

Or, bien que l’entrainement hors-saison au niveau de la préparation physique dans le contexte du football universitaire puisse se conformer à ces deux principes, la réalité est tout autre lors que s’amorce le camp d’entrainement présaison. Traditionnellement, un camp d’entrainement présaison comprend une augmentation importante du nombre d’activités d’entrainement en plus de la durée de celles-ci. Par exemple, il est encore fréquent d’inclure deux séances d’entrainement technico-tactiques au cours d’une même journée, et cela, à plus d’une reprise au cours de la durée du camp. De plus, certaines de ces séances d’entrainement sont très longues, voire deux, trois ou même quatre heures! Cette augmentation s’explique en partie par la nécessité d’introduire les nombreux éléments techniques et tactiques. Toutefois, quel est l’impact de cette hausse sur la capacité des athlètes à performer? Sur le risque de blessure? Sur la capacité de récupération? En négligeant les deux principes fondamentaux mentionnés précédemment, les athlètes sont susceptibles de voir leur charge d’entrainement grimper considérablement et ainsi créer une fatigue importante qui peut ensuite augmenter le risque de blessure, surtout les blessures aux tissus mous sans qu’il n’y ait de collision avec un adversaire (« non-contact soft-tissue injuries »). 

Dans certains contextes, il est possible de tenir un camp d’entrainement présaison extrêmement rigoureux avec pour objectif principal de créer un léger surmenage qui peut ensuite mener à des adaptations physiques plus importantes si le repos qui s’ensuit est adéquat. On parle ici de « peaking » ou d’affûtage. Certains peuvent associer ce camp au « Survival of the fittest » pour ensuite entamer la saison avec les athlètes qui auront passé au travers de ces 2-3 semaines. Cela peut fonctionner si vous avez une profondeur incroyable au sein de votre effectif, mais cela n’est pas le cas pour la grande majorité des programmes. De plus, dans les sports collectifs, cette phase d’affûtage en présaison est-elle vraiment nécessaire? Le but ultime n’est-il pas de maintenir un pic de forme tout au long de la saison, puisque tous les matchs sont importants afin d’assurer sa participation aux éliminatoires menant au championnat? 

Dans ces circonstances, il est sûrement plus prudent d’y aller avec une approche plus progressive intégrant, entre autres, des activités d’entrainement au cours de la période estivale qui seront similaires aux entrainements du camp présaison en termes de spécificité, de volume, d’intensité et de densité d’entrainement. Ainsi, les charges d’entrainement sont progressivement augmentées pour refléter les exigences des séances qui seront réalisées au cours du camp d’entrainement présaison. De plus, le contenu d’entrainement sera également plus spécifique, ce qui aura pour effet de préparer adéquatement les joueurs aux exigences du sport et aussi de maintenir un niveau de motivation plus élevé. Ainsi, lors du camp d’entrainement présaison, les activités réalisées seront une progression logique de ce qui aura été fait tout au long de l’été.

En conclusion, le travail d’un entraineur, que cela soit l’entraineur sportif, le préparateur physique ou le thérapeute sportif, est d’optimiser la performance individuelle et collective en permettant aux athlètes de prendre part aux différentes activités d’entrainement. La clé sera alors d’assurer d’un haut taux de disponibilité afin que l’athlète puisse se développer sur les plans physique, technique, tactique et psychologique. En ne considérant pas pleinement l’importance de respecter les principes fondamentaux que sont la surcharge et la progression, la santé de l’athlète est à risque et donc, son développement et sa contribution envers l’équipe. Peut-être serait-il temps de repenser notre façon de faire tout en étant au fait des différents enjeux et défis qui entourent la pratique du sport du football  au niveau universitaire.

Référence: Sampson, J. A., Murray, A., S.Williams, Halseth, T., Hanisch, J., Golden, G., & Fullagar, H. H. K. (2018). Injury risk-workload associations in NCAA American college football. Journal of Science and Medicine in Sport. http://doi.org/10.1016/j.jsams.2018.05.019

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