Troisième édition de la table ronde de l’entraînement avec un nouveau collaborateur

Voilà plus de deux ans maintenant que nous avons tenu la dernière édition de la table ronde de l’entraînement avec Xavier Barbier, David Lasnier et Simon Deschênes comme collaborateurs.  Nos engagements professionnels respectifs ont certainement été la cause de cette si grande pause.  Toutefois, aujourd’hui, nous relançons la table ronde avec de la nouveauté.  David laisse sa place de collaborateur; ce dernier étant très occupé avec l’emploi qu’il occupe présentement.  Pour le remplacer, Stevy Farcy se joint à nous en provenance de l’INSEP à Paris.  Avant d’entrer dans le vif du sujet de cette édition, voici une courte présentation de nos collaborateurs:

Xavier Barbier est titulaire d’une Licence Entraînement Sportif de l’Université de Picardie. Il possède également un Diplôme d’État d’entraînement sportif en football américain. Il travaille depuis 10 ans auprès de sportifs, dont des sportifs pro ou de haut niveau dans 6 sports différents : football, basketball, football américain, trail, hockey sur glace, VTT trial.

Stevy Farcy possède une Licence et une Maîtrise Entraînement sportif effectuées à l’INSEP, un Diplôme d’Ingénieur biomédical à l’Université de Technologie de Compiegne et il est actuellement Doctorant en biomécanique à l’INSEP. Stevy possède également un Brevet d’état 1er degré Basket-ball. Il travaille dans une société de matériel de rééducation pour les kinesithérapeutes; il est donc souvent au contact avec ces professionnels. Il supervise la préparation physique et basket des jeunes (U17) du centre de formation du Paris-Levallois Basket.

Simon Deschênes est titulaire d’un baccalauréat en kinésiologie profil encadrement sportif de l’Université de Sherbrooke.  Il est un membre actif de la Fédération des kinésiologues du Québec et est certifié Precision Nutrition Niveau 1. Simon est entraîneur personnel depuis 6 ans auprès d’une clientèle très variée, mais son passé d’athlète en football américain et en baseball l’amène naturellement à travailler avec des athlètes de sports de force-vitesse et sports collectifs.

roi-arthur-2004-22-gXR Performance (XRP): Pour lancer cette troisième édition, la première question est dirigée à notre nouveau collaborateur.   Stevy, tu te spécialises dans la préparation physique des joueurs de basketball.  L’entraînement des athlètes de grande taille (on peut penser au basketball, mais également en volleyball) s’avère-t-il un défi additionnel dans ton intervention et ta prescription d’exercices? Quels défis représentent-ils pour le préparateur physique au niveau du contrôle neuromusculaire des membres inférieurs par exemple, de la posture ou de la réalisation d’exercices de renforcement comme le squat par exemple?

Stevy Farcy (SF): Bonjour à vous trois. En effet, je travaille beaucoup avec des basketteurs et principalement des jeunes joueurs ayant entre 15 et 18 ans.  Ces joueurs mesurent pour la plupart entre 1m90 et 2m05, et sont quelques fois complètement débutants. Évidemment, il faut adapter les contenus d’entraînement et notamment le renforcement musculaire en fonction de ces caractéristiques.  Chez ces jeunes joueurs de grande taille, on remarque généralement les problèmes suivants qui sont reliés entre eux: i) problème de motricité, faible contrôle moteur; ii) des longs segments (inférieurs, tronc, supérieurs), ce qui va rendre difficile la réalisation de certains exercices; iii) difficulté à maîtriser la position du bassin, ce qui complique le bon positionnement du dos; iv) faible mobilité des chevilles, des hanches et du rachis thoracique; v) asymétries agonistes/antagonistes et côté droit/côté gauche et; vi) faibles niveaux de force (tronc, membres inférieurs et supérieurs). Tous ces problèmes sont des facteurs importants de blessures sur des corps qui peuvent encore être en phase de croissance.  Selon moi, il est primordial de débuter le travail avec ces joueurs par des exercices fondamentaux de motricité et par des exercices de placement du bassin.  La position athlétique de base (voir mon blog ici) doit être enseignée le plus vite possible. Ensuite, il faut améliorer la mobilité du joueur au niveau des chevilles, des hanches et du rachis thoracique. On peut commencer simultanément à proposer des exercices de renforcement musculaire du tronc, des membres supérieurs et des membres inférieurs.  Je commence en général par des exercices très simples avec le poids du corps, des élastiques, des poulies et des haltères légers. Ils sont tous débutants en musculation. Ils doivent d’abord maîtriser le placement de corps et l’exécution de l’exercice (amplitude, vitesse, etc.). Ensuite, on peut augmenter les charges progressivement.  Je fais très peu d’exercices avec des charges sur le dos, type back squat.  Ils ont beaucoup de mal à bien le faire à cause de leurs longs segments et de leurs faibles mobilités articulaires.  Je préfère les exercices type Goblet squat, box squat poids du corps sur 1 jambe, montée sur banc, fentes avant/arrière, etc.  Le travail de gainage est très important, car ils souvent faibles. Je privilégie les exercices en position debout en statique (anti-rotation, anti-extension, etc.) et les exercices standards de gainage au sol.

XRP: Xavier B., en lien avec la réponse de Stevy concernant l’entraînement des jeunes joueurs de basketball, quels axes doit prendre l’entraînement des jeunes athlètes en sports collectifs? En quoi une spécialisation hâtive est-elle néfaste, malgré le fait que la spécificité de l’entraînement soit un principe de base en entraînement? Doit-on interpréter ce principe avec quelques nuances chez les jeunes?

Xavier Barbier (XB): Salut Xavier! En sport collectif, la spécialisation commence généralement à partir de 14 ans.  À partir de cet âge, le volume de pratique sportive devient généralement plus conséquent.  Cependant, l’erreur serait de substituer du temps d’entraînement pour du temps de compétition trop porté sur du technico-tactique spécifique au sport et à la performance.  Cette approche a pour conséquence de ne pas permettre aux jeunes athlètes de développer les habilités physiques fondamentales. Ceux-ci auront par le suite de fortes chances de ne pas atteindre leur niveau de performance optimal à l’âge adulte ou d’épuiser prématurément leur motivation et d’abandonner le sport.

De plus, nous savons qu’il existe des fenêtres optimales pour le développement de certaines qualités physiques chez les jeunes athlètes.  Si la fenêtre est ratée, l’athlète ne pourra pas atteindre son plein potentiel physique.  Ensuite, il est important de considérer la préparation physique chez les jeunes sportifs tout d’abord comme l’acquisition de compétences. Ils apprennent à s’entraîner. Par exemple, une fenêtre optimale pour l’entraînement de la vitesse se situe entre 13 et 16 ans.  L’entraînement de la vitesse chez le jeune athlète passe premièrement par l’apprentissage des mécaniques d’accélération, de décélération et de changement de direction : posture, action des bras, action des jambes, base au sol, placement du centre de gravité, placement du pied.  L’entraînement de la vitesse chez les jeunes athlètes doit répondre à la problématique du «comment bien se déplacer».  Ces compétences sont transversales à tous les sports collectifs.  Souvent, les entraîneurs pensent perdre du temps avec ce type de contenu d’entraînement.  J’ai eu la chance d’entraîner de jeunes athlètes de haut-niveau dans quatre sports différents et j’ai malheureusement fait le constat qu’on leur enseigne les bases de la vitesse, mais que les entraîneurs et les parents doivent comprendre qu’ils gagnent du temps sur le long terme. Lorsque ces schémas moteurs sont acquis, il y a juste besoin d’entretenir la compétence. C’est chez le jeune athlète que l’apprentissage est le plus facile et donc efficace.  Chez le sportif adulte, cela devient très compliqué et généralement, l’entraînement est très porté sur la compétition.

XRP: Simon, Xavier B. mentionne dans son intervention que pour le jeune athlète, il faut avant tout penser acquisition des compétences avant de «focuser» sur la performance. Pourrais-tu nous donner un exemple concret en lien avec un jeune athlète dans un sport d’équipe comme le football américain ou le foot/soccer où les actions explosives sont nombreuses et souvent critiques quand vient le temps de marquer un but ou rattraper un adversaire pour l’empêcher de marquer. Quels mouvements fondamentaux doit-on maîtriser à un jeune âge et par la suite à l’adolescence pour ensuite viser la performance sportive pure?

Simon Deschênes (SD): Bonjour à tous.  Pour moi, quand on parle d’action explosive, la première chose qui me vient en tête c’est changement de direction.  Absorber les forces afin de la rediriger. Il y a donc un facteur primordial qui en ressort: la décélération.  Dans mon cas, c’est la première chose que me vient en tête chez un jeune athlète. C’est bien beau la puissance et la vitesse, mais il faut qu’il soit capable de résister aux forces en cause.  Pour apprendre à décélérer, il faut avant tout apprendre la réception lors d’un box jump ou même apprendre à ralentir lors d’une accélération.  Dans les dernières années, nous voyons de plus en plus de déchirures du ligament croisé antérieur et ce, par des «non-contact injury» ou blessures sans contact qui sont souvent attribuables à une mauvaise gestion des forces de décélération. Bien sûr, la coordination ainsi que la proprioception y joue pour beaucoup; il ne faut donc pas les négliger.

XRP: Stevy, une fois que ces actions de décélérations et de changements de direction sont maîtrisées et ont permis d’établir les fondements de la performance athlétique, il faut être en mesure de répéter ces actions dans différents contextes selon le sport pratiqué.  Un sport comme l’haltérophilie, la dynamophilie et certains sports de l’athlétisme nécessite de réaliser une seule action dans un environnement plutôt fermé.  Or, la nature des sports collectifs est tout autre.  L’environnement ouvert et chaotique sollicite les muscles et les filières énergétiques d’une manière différente.  Comment peut-on solliciter des actions explosives et combiner le travail aérobie à la fois?

SF: En effet, dans les sports collectifs, il est nécessaire de répéter des efforts explosifs (changement de direction, accélération, saut) sur toute la durée du match. Il faut donc développer cette capacité à répéter des efforts courts et intenses dans le temps sans perte de performance. Pour cela, on peut distinguer deux méthodes principales: l’exercice intermittent à haute intensité qui va la plupart du temps proposer des séries de 4 à 10 minutes d’alternances effort/repos sur un ratio proche de 1:1 ou 1:2. Les efforts peuvent être de la course linéaire ou non, des bondissements ou de la musculation sur des temps allant de 5 à 30 sec généralement (mais pouvant aussi monter à 1 ou 2 min selon objectifs). Le repos peut être passif ou actif (course lente < 50% VMA). J’ai fait un article récent sur mon blog (ici) pour proposer une méthode intermittente aléatoire pour mettre le sportif dans des conditions proches du match (effort et repos de durée aléatoire en match). Une autre méthode est celle que l’on appelle la RSA (ou repeated sprint ability). Elle consiste à effectuer sous forme de série des efforts de type sprint sur des temps courts (de 3 à 10 sec la plupart du temps) alternés avec des récupérations plus longues (30 à 45 sec). Le ratio effort:repos est plus proche de 1:3 à 1:10. On met alors plus l’accent sur l’intensité très élevée des efforts et une récupération longue pour pouvoir maintenir cette intensité avec la répétition. Ces deux méthodes sont à utiliser de manière complémentaire. Il semble que l’utilisation de ces deux méthodes amènent des résultats assez proches (Attene, G et coll. JSMPF Avril 2014).

XRP: Xavier B., avec la nécessité d’entraîner des actions répétées qui sollicitent la PAM, combinée avec le développement d’actions explosives comme les sauts, les sprints et les changements de direction qui sollicitent davantage la production d’énergie de type anaérobie, le planification des entraînements semble très complexe. Quelles approches de planification d’entraînement peut-on utilisées? Doit-on entraîner toutes ces composantes en même temps ou choisir une ou deux qualités à entraîner à la fois?

XB: Cela dépend de plusieurs facteurs, dont, entre autres, la période dans l’année, l’âge, le calendrier des entraînements et des compétitions, etc. Il existe plusieurs types de planifications. Les plus courantes sont dites linéaire, «concurrent» (ou parallèle), ou encore par bloc. Dans la planification linéaire, on va généralement entraîner différentes qualités physiques et filières énergétiques dans un ordre volume vers intensité, endurance vers vitesse. Dans la planification «concurrent», on cherche à entraîner toutes les qualités physiques et filières énergétiques en même temps. On fait alors varier l’importance (principale, secondaire, accessoire) dédiée à chaque qualité au long des cycles. Enfin dans la planification par bloc, on sélectionne une qualité physique/filière énergétique que l’on entraîne intensément. On procédera à une rotation des qualités physiques/filières énergétiques lors de succession des cycles. Autant être clair rapidement : il n’existe pas de planification idéale, parfaite. Sinon, ce serait tellement simple que tout le monde ferait la même chose. Chaque type de planification à des désavantages. La planification linéaire ne permet de conserver les gains des qualités physiques/filières énergétiques sur de longue période. Pour la simple et bonne raison que si l’on n’entraine une qualité physique/filière énergétique un minimum, on régresse. La planification “concurrent” fait face à des interférences entre les différentes méthodes d’entraînement. Enfin, la planification par bloc est généralement réservée aux athlètes plus expérimentés. Il faut pouvoir supporter des charges d’entraînement très élevées sur une qualité physique/filière énergétique. Il faut également réfléchir aux différentes périodes dans l’année. Par exemple, il est possible d’avoir un planification de type bloc en hors saison, puis linéaire en saison. Ou l’inverse. Pour finir j’ajouterai qu’une bonne planification est une planification applicable sur le terrain, dans la pratique et appropriée à l’athlète et à ses objectifs.

XRP: Finalement, la dernière question est adressée à Simon. Après avoir touché l’acquisition de compétences nécessaires à la pratique du sport et du concept de périodisation, comment est-il possible de jumeler préparation physique et pratique sportive en période de compétition?  Par exemple, les championnats de foot/soccer et de basketball universitaire battent leur plein et les athlètes qui y participent doivent se donner à 100% sur le terrain/court avec des repos écourtés entre les matchs. Comment maintenir les acquis et éviter qu’un trop grande fatigue s’accumule?

SD: Cela passe par un entraînement de maintien efficace qui a souvent été négligé.  Heureusement, cela est de moins en moins le cas. Ce type d’entraînement servira à conserver la base du travail fait hors saison.  On peut également y voir certains gains de force.  Bien sûr, lors de blessures, il faudra adapter l’entraînement en fonction des limitations que celle-ci peut causer et non de donner congé à l’athlète.  Lorsque l’on porte attention à la littérature qui porte sur le sujet de la périodisation, les ouvrages de Bompa sont un incontournable ainsi que l’approche de Medvedev.

Voici, selon mon expérience, les critères à respecter pour s’entraîner en période de compétition.  Tout d’abord, il faut identifier les déterminants majeurs de la performance du sport concerné.  Ce sont ces déterminants qu’il faudra maintenir et qui feront une grosse différence en fin de saison.  En aucun temps, il ne faudra couper sur l’intensité; c’est le volume qui doit être réduit afin de minimiser la fatigue et permettre une récupération optimale.  Règle générale, l’entraînement durera entre 20 et 50 minutes.  Il faut dire qu’une partie importante de l’entraînement en saison sera l’échauffement; on peut donc penser à un minimum de 15 à 20 minutes qui sera consacré à cet échauffement.  Ces entraînements seront brefs et intenses.  En termes de choix au niveau des répétitions, cela dépendra des déterminants à conserver.

Afin de garder le volume bas, il faudra limiter la séance à 2-4 séries par exercice et à 4-5 exercices au total. Pour le choix des exercices, il faudra surtout se concentrer sur les exercices pluri-articulaires.  Mettre du temps sur des mouvements isolés ne serait que perdre du temps précieux.  Généralement, il faudra se limiter à 2-4 séances par semaine, étant donné que la majorité du temps doit être consacrer à l’entraînement technique et tactique.

En général, l’entraînement en période de compétition sollicitera l’ensemble des muscles du corps dans un format dit «total body» avec une emphase de force en début de semaine, puissance en milieu et endurance/récupération vers la fin de celle-ci, juste avant la compétition.

XRP: Cela conclut la troisième édition de notre table ronde de l’entraînement.  Merci à Stevy, Xavier B. et Simon d’avoir partagé avec nous leur expertise.

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